Matthieu 6, 30
Si Dieu donne un tel vêtement à l’herbe des champs, qui est là aujourd’hui, et qui demain sera jetée au feu, ne fera-t-il pas bien davantage pour vous, hommes de peu de foi ?
Si Dieu donne un tel vêtement à l’herbe des champs, qui est là aujourd’hui, et qui demain sera jetée au feu, ne fera-t-il pas bien davantage pour vous, hommes de peu de foi ?
Ou bien, par les lis, on peut entendre les célestes clartés des anges, que Dieu lui-même revêt d'une gloire éblouissante. Ils ne travaillent ni ne filent, car la grâce qui a, dès leur origine, assuré le bonheur des anges, se répand sur tous les moments de leur existence, et comme après la résurrection les hommes seront semblables aux anges, Notre-Seigneur, en faisant briller à nos yeux l'éclat des vertus célestes, a voulu nous faire espérer ce vêtement de gloire éternelle.
Ou bien encore, sous cette figure de l'herbe des champs, on peut voir les Gentils. Si donc l'existence éternelle ne leur est accordée que pour devenir les victimes du feu du jugement, que les saints sont coupables de douter de l'éternité glorieuse, alors que Dieu donne aux méchants, pour leur punition, une existence éternelle ?
Après nous avoir enseigné à bannir toute sollicitude pour la nourriture, Notre-Seigneur passe à une autre nécessité moins importante, le vêtement ; car le vêtement n'est pas d'une aussi pressante nécessité que la nourriture. « Et pourquoi vous inquiétez-vous pour le vêtement ? » il ne se sert plus ici de la comparaison tirée des oiseaux, bien que quelques-uns, comme le paon et le cygne, eussent pu lui servir d'exemple, mais il choisit les lis en disant : « Considérez les lis des champs. » Il veut faire ressortir l'inépuisable richesse de la Providence divine à l'aide de ces deux choses : la magnificence et l'éclat des lis, et la faiblesse de ces êtres que Dieu revêt d'une si éclatante splendeur.
Au temps marqué par la Providence, les lis déploient leurs feuilles, se revêtent de blancheur, se remplissent de parfums, et ce que la terre n'avait pu donner à la racine, Dieu le lui communique par une opération invisible. Tous reçoivent avec une égale abondance, pour qu'on n'y voie pas un effet du hasard, mais le résultat d'une disposition de la Providence de Dieu. Par ces paroles : « Ils ne labourent pas, »Notre-Seigneur encourage les hommes ; par ces autres : « Ni ils ne filent point, » il ranime la confiance des femmes (cf. Pv 30).
Cette doctrine du Sauveur ne tend pas à interdire le travail, mais la sollicitude, comme lorsqu'il a dit plus haut : « Les oiseaux ne sèment point. »
Et pour faire ressortir davantage cette Providence qui surpasse toutes les inventions de l'industrie humaine, il ajoute : « Je vous déclare que Salomon, » etc.
Il y a entre la richesse des vêtements et celle des fleurs, la différence qui sépare le mensonge de la réalité. Si donc la magnificence de Salomon, le plus splendide des rois, a été surpassée par celle des fleurs, comment la richesse de vos vêtements pourra-t-elle effacer leur éclat ? Et cet éclat des fleurs a triomphé de la magnificence de Salomon, non pas une ou deux fois, mais pendant toute la durée de son règne ; c'est ce qu'indiquent ces mots : « Dans toute sa gloire, » car pas même un seul jour il ne put atteindre la riche parure des fleurs. »
Ou bien Notre-Seigneur parle ainsi parce que Salomon, sans travailler pour se procurer des vêtements, donnait cependant des ordres en conséquence. Or, le commandement est presque toujours accompagné de colère dans celui qui le fait, et de froissement clans celui qui l'exécute ; les fleurs, au contraire, reçoivent leur riche parure sans même qu'elles y pensent.
Si Dieu revêt avec tant de magnificence les fleurs qui ne naissent que pour satisfaire un instant les yeux et périr presque aussitôt après, pourra-t-il oublier les hommes, qu'il a créés non pour apparaître un instant, mais pour exister éternellement. C'est cette vérité dont il veut nous convaincre en ajoutant : « Si donc Dieu prend soin de vêtir ainsi l'herbe des champs qui est aujourd'hui et qui demain sera jetée au four, combien prendra-t-il plus soin de vous, hommes de peu de foi ? »
Le Sauveur ne leur donne déjà plus le nom de lis, c'est l'herbe des champs, pour montrer leur chétive nature. Il la fait encore ressortir davantage, en ajoutant, non pas : « Qui ne seront plus demain, » mais ce qui exprime bien plus leur peu de valeur. « Qui seront jetés au four. » Ces paroles : « A combien plus forte raison » nous donnent à entendre ce qui fait l'honneur du genre humain, comme si le Sauveur disait : « Vous à qui Dieu a donné une âme, dont il a formé le corps, à qui il a envoyé ses prophètes et livré son Fils unique. » Il dit : « De peu de foi, » car la foi qui ne s'étend pas même à des choses aussi minimes est une foi bien faible.
En effet, quelle soierie, quelle pourpre royale, quel riche tissu peut soutenir la comparaison avec les fleurs ? Quel rouge plus vif que celui de la rose et quelle blancheur plus éclatante que celle du lis ? Aucune pourpre ne peut l'emporter sur la violette, c'est une vérité qui n'a pas besoin de démonstration, il suffit d'avoir des yeux pour s'en convaincre.
Le mot demain, dans l'Écriture, signifie le temps qui suit : « Ma justice m'exaucera demain (Gn 30), » dit Jacob.
Il ne faut point interpréter trop subtilement ces divins enseignements dans un sens allégorique et rechercher ce que signifient ici les oiseaux du ciel ou les lis des champs. Le Sauveur n'a recours aux comparaisons qu'il emprunte à la nature extérieure que pour nous aider à comprendre des choses d'un ordre plus élevé.
Dans le sens spirituel, on peut entendre ici par les oiseaux du ciel les saints qui sont régénérés dans les eaux sacrées du baptême, et que la piété porte à mépriser les choses de la terre et à soupirer après celle du ciel. Notre-Seigneur dit que les Apôtres sont plus que les oiseaux du ciel, parce qu'ils sont les chefs de tous les saints. Les lis figurent encore les saints qui, par la foi seule et sans le travail des cérémonies légales, ont su plaire à Dieu, et on peut leur appliquer ces paroles : « Mon bien-aimé qui se nourrit parmi les lis. » Les lis sont encore la figure de l'Église à cause de la blancheur éblouissante de la foi et du parfum de la bonne vie, et c'est d'elle qu'il est dit : « Elle est comme le lis parmi les épines. » L'herbe des champs figure les infidèles dont il est écrit : « L'herbe s'est desséchée et la fleur est tombée ; » et le four, la damnation éternelle en ce sens : « Si Dieu n'a pas refusé aux infidèles les biens du temps, à combien plus forte raison nous accordera-t-il ceux de l'éternité ? »
La Glose
D'autres exemplaires portent : « Dans le feu, ou dans un de ces tas d'herbes enflammées qui ressemblent à un four. »
955. SI DIEU HABILLE AINSI L’HERBE DES CHAMPS, etc. Ici, [le Seigneur] passe du lis à l’herbe des champs, et il raisonne [ainsi] : si [notre Père céleste] s’occupe des choses inférieures, Il s’occupera aussi de nous, qui sommes plus importants par la dignité de notre substance, car nous leur sommes supérieurs. De même, [nous sommes plus importants] par la durée, car nous sommes éternels par notre âme, mais [l’herbe], QUI EXISTE AUJOURD’HUI ET, DEMAIN, SERA JETÉE AU FOUR, etc., Is 40, 7 : L’herbe s’est desséchée et la fleur est tombée. De même, [sommes-nous plus importants] pour ce qui est de la fin, car l’homme existe pour la béatitude, mais l’herbe pour l’usage de l’homme (Ps 146[147], 8 : Qui produit sur les montagnes le foin et l’herbe au service des hommes, etc.) et pour un usage méprisable, à savoir, pour qu’elle soit jetée au four dans le cas de certaines terres où l’on brûle les tiges. Et S’IL HABILLE AINSI, c’est-à-dire s’il donne la parure nécessaire, NE FERA-T-IL PAS BIEN PLUS POUR VOUS, HOMMES DE PEU DE FOI ! Ou alors, par l’herbe, on peut entendre les infidèles. Si donc [Il s’occupe] des infidèles, qui se préparent à être jetés au four, combien plus des élus !
Quatrième motif de confiance en Dieu : le soin qu’il prend des êtres inanimés. Ce motif diffère à peine du second ; seulement, tandis que le v. 26 parlait d’animaux et de
nourriture, il s’agit ici de plantes et de vêtements. - Considérez, apprenez, étudiez attentivement, pour bien
voir la vérité de mes assertions. - Les lis des champs. Les lis de la Palestine sont célèbres : on les y rencontre
par milliers, couvrant de vastes étendues de terrain, et transformant parfois, grâce à leurs couleurs brillantes
et variées, une contrée entière en un magnifique jardin. On signale comme l’un des plus beaux celui que
Linné appelle « Fritillaria corona imperialis », celui de Dioscorides, 3, 116, haut de trois pieds, portant vers
le sommet d’une tige élancée une splendide couronne de fleurs rouges ou jaunes que surmonte un panache de
feuilles ; ou encore le « lis de Huleh » du Dr Thomson, dont les trois larges pétales veloutés se rejoignent par
le sommet et qui est le mets favori des gazelles du Thabor ; Cf. Cant. 2, 1, 2, 16. Voir Thomson, The Land
and the Book, p. 256. Du reste, le Schouschân oriental, dont le nom importé par les Maures se retrouve
jusqu’en Espagne, cet autre pays des lis (« Azucena »), englobait anciennement une catégorie considérable
de plantes, par exemple les amaryllis et les tulipes, de sorte qu’il est impossible de déterminer au juste la
fleur que Jésus-Christ a voulu désigner spécialement. - Ils ne travaillent ni ne filent. Ils croissent
d’eux-mêmes dans des champs incultes ; ils n’ont pas à tisser péniblement leur robe délicate, à en ajuster
avec art les différentes parties : la Providence se charge de les vêtir, et avec quel amour ne le fait-elle pas ! -
Cependant je vous dis que Salomon... ; non, pas même Salomon, cet idéal de la richesse pour les Juifs, Cf. 2
par. 9, 15 ; bien plus, pas même Salomon dans toute sa gloire, c’est-à-dire, couvert de ses vêtements les plus
splendides dans les circonstances les plus solennelles ! Cf. Esth. 15, 2. - N'a pas été vu comme l'un d'eux.
« Quelle étoffe de soie, demande S. Jérôme, quelle pourpre royale, quel tissu parfaitement brodé pourrait être
comparé aux fleurs ? Qu’y a-t-il de si frais que la rose ? Qu’y a-t-il de si blanc que le lis ? ». Les ornements
de Salomon venaient de la serre chaude de l’art, tandis que les lis croissent dans le paradis du Seigneur, dit
un auteur allemand. - Si Dieu... C’est la conclusion de l’argument. - L'herbe des champs, nom dédaigneux
appliqué à dessein au lis pour montrer son peu de valeur devant Dieu. Malgré sa splendeur, cette plante n’est
après tout qu’une herbe qui croît parmi les autres herbes dont elle partage aussi le sort. On sait que les
Hébreux, ces botanistes tout à fait élémentaires, divisaient le règne végétal en deux famille seulement, les
arbres et les plantes herbacées. - Qui existe aujourd'hui. Qu’y a-t-il de moins durable que la fleur d’un lis ?
C’est un véritable éphémère. En Orient surtout, il suffit de quelques heures d’une chaleur brûlante pour
dessécher complètement ces champs magnifiques dont nous parlions plus haut : ce qui était le matin un tapis
délicieux de verdure n’est plus le soir qu’une affreuse litière. - Et qui demain sera jetée au four. Les choses
se passent littéralement ainsi en Palestine et en Syrie. A défaut de bois, les Orientaux emploient en effet les
herbes sèches et les tiges des fleurs pour chauffer leurs petits fours portatifs, sortes de marmites en terre
cuite, plus larges à la base qu’au sommet, et excellentes pour la cuisson des aliments ; Cf. Thomson, l. c. p.
341. - Combien plus vous-mêmes ; vous, créés à l’image de Dieu, héritiers du royaume céleste. Jésus conclut
« a fortiori » comme dans les trois raisonnements précédents. - Hommes de peu de foi. Le manque de
confiance en la Providence divine provient en effet du défaut de foi. Les Rabbins adressaient fréquemment à
leurs disciples un reproche semblable et dans les mêmes termes : « Celui qui a du pain dans sa huche et qui
dit : que mangerai-je demain…est doté de peu de foi », Sota. f. 48, 2, etc.
Est jetée dans le four. Comme le bois est rare dans plusieurs parties de la Palestine, on se sert d’herbes sèches pour faire cuire le pain.