Matthieu 6, 7

Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés.

Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés.
Saint Thomas d'Aquin
889. QUAND VOUS PRIEZ, NE RABÂCHEZ PAS. Ici, il écarte le bavardage : premièrement, il présente l’interdiction du bavardage ; deuxièmement, la raison de l’interdiction, en cet endroit : NE LEUR RESSEMBLEZ PAS [6, 8].

890. Il dit donc : QUAND VOUS PRIEZ, NE RABÂCHEZ PAS, c’est-à-dire ne mettez pas votre confiance dans les mots. En sens contraire, 1 Th [5], 17 : Priez sans cesse. De plus, le Seigneur a consacré beaucoup de temps à la prière, plus loin, 26, 36s et Lc 6, 12. [Voici] la réponse d’Augustin : «Il condamne le bavardage qui vient du manque de foi, mais non les prières que font les saints dans la pureté de leur cœur.» Ainsi, Anselme [écrit] : «Ce n’est pas un péché de prier par une profusion de mots avec la dévotion au cœur.» AINSI FONT LES GENTILS : en effet, les Gentils multipliaient les paroles en priant. En premier lieu, ils indiquaient ainsi leur intention aux démons qu’ils adoraient, car autrement [ceux-ci] n’auraient pas pu la connaître ; ainsi Augustin [écrit] : «La multiplicité des paroles était nécessaire pour les Gentils en raison des démons.» En second lieu, ils attiraient ainsi sur eux l’attention des démons absents ; c’est à cette raison qu’Élie fait allusion en 3[1] R 18, 27, en disant aux prêtres, qui priaient depuis longtemps : Criez plus fort pour le réveiller, car c’est votre dieu ; peut-être est-il en train de parler, ou se trouve-t-il ailleurs, ou peut-être dort-il. En troisième lieu, par la persuasion des paroles, ils cherchaient à les influencer dans le sens de la miséricorde. C’est pourquoi, [Jésus] ajoute : ILS PENSENT QU’EN PARLANT BEAUCOUP, ILS SERONT ÉCOUTÉS [6, 7], c’est-à-dire ils pensent que, par la multitude des paroles persuasives, leurs prières obtiendront leur effet.
Louis-Claude Fillion
Second défaut dans lequel on peut tomber à l’occasion de la prière. « Ce n’est pas seulement l’ostentation qu’il faut éviter en priant, mais la vaine loquacité des Gentils », Fritzsche. - Ne multipliez pas les paroles dit beaucoup moins que le grec qui exprime si bien la répétition interminable de phrases dénuées de sens, la multiplication fatigante des mêmes paroles pour redire sans cesse la même chose. - Comme les païens. Les prières vocales incessamment répétées des païens sont un fait bien connu, dont les poètes et les philosophes se sont ri plus d’une fois, appelant cette dévotion de leurs coreligionnaires « fatiguer les dieux, leur casser les oreilles », et soutenant avec ironie que les dieux ne pouvaient exaucer une demande « A moins que la même chose ne soit dite cent fois ». La Bible en offre un exemple, 3 Reg. 18, 26 : « ils invoquèrent le nom de Baal depuis le matin jusqu’au milieu du jour, en disant : Ô Baal, réponds-nous ! ». Mais nulle part peut-être cette aberration n’a été poussée aussi loin que chez les Hindoux qui récitent perpétuellement, de la voix et du geste, qui font en quelque sorte réciter par les rivières, par les vents, par les arbres, par toute la nature, au moyen de leurs roues à prières, la célèbre et mystérieuse invocation : « Om mani padmé houm ». Les musulmans ont aussi l’habitude de répéter leur « La ilahah illallah » jusqu’à ce qu’ils perdent haleine ; dans leurs Zikr’s ou séances de prières, ils disent jusqu’à trois mille fois la même formule pour recommencer de nouveau, après une courte pause, cette battologie insensée (Cf. Sepp, Jerusalem und d. h. Land, 2, 655). Les Juifs n’avaient pas su se préserver complètement du « bavardage » dans la prière : Notre-Seigneur reprochera plus tard ce défaut aux Pharisiens en termes très exprès, Matth. 23, 15, et les Rabbins n’affirmaient-ils pas que « Tout homme finit par être entendu à force de multiplier les paroles ? » Hierosol. Taanith, f. 67, 3. Ils s’imaginaient donc sottement, comme les païens, que la prière est une sorte d’ « opus operatum » et que plus elle contient de mots plus elle est salutaire. - Les lignes suivantes de S. Augustin préviennent et résolvent une objection qu'on pourrait soulever à propos de ce verset : « La parole bavarde est autre chose qu’un sentiment prolongé. Que soit absente de la prière l’abondance des paroles. La prière ne cessera pas d’être grande si la ferveur de l’intention perdure », Epist. 130. « Beaucoup parler en priant ne sert qu’à prononcer des paroles superflues. Prier beaucoup c’est frapper à la porte de celui que nous prions par un battement pieux et continu du cœur. Car, la plupart du temps, ce devoir se remplit plus par des gémissements que par des paroles », Epist. 121. Le blâme du Christ n’atteint nullement les longues prières en elles-mêmes, mais les longues prières qui proviennent de la superstition.
Catéchisme de l'Église catholique
L’invocation du saint Nom de Jésus est le chemin le plus simple de la prière continuelle. Souvent répétée par un cœur humblement attentif, elle ne se disperse pas dans un " flot de paroles " (Mt 6, 7), mais " garde la Parole et produit du fruit par la constance " (cf. Lc 8, 15). Elle est possible " en tout temps ", car elle n’est pas une occupation à côté d’une autre mais l’unique occupation, celle d’aimer Dieu, qui anime et transfigure toute action dans le Christ Jésus.

Mais Jésus ne nous laisse pas une formule à répéter machinalement (cf. Mt 6, 7 ; 1 R 18, 26-29). Comme pour toute prière vocale, c’est par la Parole de Dieu que l’Esprit Saint apprend aux enfants de Dieu à prier leur Père. Jésus nous donne non seulement les paroles de notre prière filiale, il nous donne en même temps l’Esprit par qui elles deviennent en nous " esprit et vie " (Jn 6, 63). Plus encore : la preuve et la possibilité de notre prière filiale c’est que le Père " a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : ‘Abba, Père !’ " (Ga 4, 6). Puisque notre prière interprète nos désirs auprès de Dieu, c’est encore " Celui qui sonde les cœurs ", le Père, qui " sait le désir de l’Esprit et que son intercession pour les saints correspond aux vues de Dieu " (Rm 8, 27). La prière à Notre Père s’insère dans la mission mystérieuse du Fils et de l’Esprit.