Matthieu 7, 11
Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est aux cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent !
Si donc vous, qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est aux cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent !
Sous cette figure du pain et du poisson, le Sauveur nous apprend quelles sont les choses que nous devons demander. Le pain, c'est le Verbe qui nous donne la connaissance du Père ; la pierre, c'est tout mensonge qui devient pour l'âme une pierre de scandale.
En effet, tous les hommes paraissent mauvais si on les compare à Dieu, qui est le seul bon par essence, de même qu'à côté du soleil toute lumière n'est qu'obscurité.
Deux conditions sont exigées de celui qui prie : demander avec instance, demander des choses convenables, c'est-à-dire les biens spirituels, et c'est pour avoir suivi cette règle que Salomon obtint promptement ce qu'il avait demandé (3 R 3, 5.9.10).
Et de peur que le pécheur, en mesurant la distance qui sépare l'homme de Dieu et en pesant l'énormité de ses péchés, n'en vînt à perdre tout espoir d'être exaucé et à renoncer à la prière, il apporte cette comparaison d'un père et de ses enfants, afin que la considération de la bonté paternelle fasse renaître en nous l'espérance que nos péchés y détruisent.
En s'exprimant ainsi, Notre-Seigneur ne déverse pas le blâme sur la nature humaine, il ne déclare pas que tout le genre humain soit mauvais, mais il veut nous montrer combien sa bonté diffère de la nôtre ; il appelle mauvaise la tendresse des pères pour leurs enfants en comparaison de celle de Dieu, tant est grand l'excès de son amour pour les hommes.
Cependant, comme il ne nous accorde pas indifféremment tout ce que nous lui demandons, mais seulement ce qui est bon, Notre-Seigneur prend soin d'ajouter : « A combien plus forte raison donnera-t-il les biens. » Nous ne recevons de Dieu que des biens, quelle que soit l'idée que nous nous en faisons, car tout contribue au bien de ceux qui sont aimés de Dieu(Rm 8, 28).
Ou bien dans la personne des Apôtres il condamne tout le genre humain dont le coeur est porté au mal dès son enfance, comme nous le lisons dans la Genèse (Gn 8). Il n'est point étonnant, du reste, qu'il appelle mauvais les hommes qui vivent dans le temps, puisque l'Apôtre nous déclare que les jours qui le composent sont mauvais.
Notre-Seigneur, par ces paroles : « Quel est l'homme parmi vous, » suit la même marche que précédemment, lorsqu'il a parlé des oiseaux du ciel et des lis des champs, voulant ainsi élever notre espérance de ces moindres choses à des objets plus importants.
Ou bien il appelle mauvais les pécheurs et ceux qui aiment la vie de ce monde. Or, les biens qu'ils donnent, d'après leur manière de voir, peuvent être appelés bons parce qu'ils les tiennent pour tels ; et encore, considérés seulement dans leur nature, ces biens temporels ont une bonté réelle, puisqu'ils sont les soutiens de cette vie misérable.
Le bien qui seul peut vous rendre bon, c'est Dieu. L'or et l'argent sont bons, non pas qu'ils puissent vous rendre bons, mais parce qu'ils vous donnent le moyen de faire le bien. Puisque donc nous sommes mauvais et que notre Père est bon, ne demeurons pas toujours dans notre malice.
Si donc nous qui sommes mauvais nous ne laissons pas de donner ce qu'on nous demande, à combien plus forte raison devons-nous espérer que Dieu nous donnera les biens que nous lui demanderons.
Nous pouvons voir aussi dans le poisson toute parole qui a rapport au Christ, et dans le serpent le démon lui-même. Ou bien par le pain on peut entendre la doctrine spirituelle, et par la pierre, l'ignorance ; par le poisson, l'eau du saint baptême ; par le serpent, la fourberie du démon ou l'infidélité.
Nous lisons dans saint Matthieu : « Il donnera les biens, » et dans saint Luc : « Il donnera le bon esprit ; » mais il n'y a pas ici de contradiction, car tous les biens que l'homme reçoit de Dieu lui sont donnés par la grâce de l'Esprit saint.
Voici donc le sens de ce passage : Si nous demandons à Dieu le Père le pain, c'est-à-dire la doctrine ou la charité, nous n'avons pas à craindre qu'il permette jamais que notre coeur se resserre ou par la froideur qu'engendrent les haines, ou par la dureté de l'âme ; et si nous lui demandons la foi, il ne nous laissera pas périr victimes du poison de l'incrédulité ; c'est pour cela qu'il ajoute : « Si vous, qui êtes mauvais, savez donner de bonnes choses à vos enfants. »
Ou bien par le pain, qui est la nourriture commune à tous les hommes, on peut entendre la chante, sans laquelle les autres vertus n'ont aucun prix. Le poisson signifie la foi qui, née de l'eau du baptême, se trouve ballottée par les flots de ce monde au milieu desquels elle ne laisse pas de vivre. Saint Luc ajoute une troisième figure, qui est l'oeuf, espérance de l'animal qui doit en sortir, et qui est ici le symbole de l'espérance chrétienne. A la charité il oppose la pierre, c'est-à-dire la dureté de la haine ; à la foi, le serpent, ou le venin de la perfidie ; à l'espérance, le scorpion, c'est-à-dire le désespoir qui blesse par derrière, comme le scorpion.
981. [Le Seigneur] conclut : SI DONC VOUS, ALORS QUE VOUS ÊTES MAUVAIS, SAVEZ DONNER DE BONNES CHOSES À VOS FILS, COMBIEN PLUS VOTRE PÈRE QUI EST DANS LES CIEUX EN DONNERA-T-IL À CEUX QUI L’EN PRIENT ? Mais quelqu’un dira : «Il a dit cela aux apôtres, qui n’étaient pas mauvais.» Et Chrysostome donne la solution : [le Seigneur fait] une comparaison avec la bonté divine, Is 64, 6 : Toutes nos bonnes actions sont comme du linge souillé. Jérôme dit : «Et si tous n’étaient pas mauvais par leurs actes, ils étaient cependant tous mauvais par leur tendance au mal.» Ainsi, on lit en Gn 6, 5 : Parce que toutes les pensées du cœur de l’homme sont toujours tournées vers le mal. Et Jr 16, 12 : Voici en effet que chacun suivait la méchanceté de son cœur. Augustin [écrit] : «Si donc, alors que vous êtes mauvais. Il n’est pas dit : “Vous êtes mauvais”, mais alors que vous êtes mauvais, donnez à vos fils temporels des biens temporels que vous estimez bons, combien plus votre Père qui est parfaitement bon !» Et c’est ce qui suit : COMBIEN PLUS VOTRE PÈRE QUI EST AUX CIEUX EN DONNERA-T-IL À CEUX QUI L’EN PRIENT, si vous voulez les recevoir !
Si donc : ces mots annoncent la conclusion de l’argument « ad hominem » (qui porte sur la
personne de celui qui parle plutôt que sur des faits ou des preuves objectives ) que fait ici Jésus. - Vous qui
êtes mauvais. Nous sommes tous foncièrement méchants depuis le péché originel. - De bonnes choses, des
dons utiles, antithèse de « mauvais ». Quelque mauvaise que soit devenue notre nature le sentiment paternel
y demeure. - Combien plus votre Père... Le divin Maître affectionne les raisonnements « a fortiori »; les
conclusions « combien plus... », qui produisent toujours beaucoup d’effet, spécialement sur les auditoires
populaires.