Matthieu 7, 12
« Donc, tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi : voilà ce que disent la Loi et les Prophètes.
« Donc, tout ce que vous voudriez que les autres fassent pour vous, faites-le pour eux, vous aussi : voilà ce que disent la Loi et les Prophètes.
Le Verbe de Dieu, le Seigneur Jésus étant venu pour tous les hommes, a résumé comme dans un admirable abrégé tous ses commandements dans ces paroles : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux. » C'est pour cela qu'il ajoute : « Car c'est la loi et les prophètes. »
On peut encore établir de cette manière la liaison avec ce qui précède. Notre-Seigneur, voulant rendre notre prière plus sainte et plus pure, nous a commandé plus haut de ne pas juger ceux qui nous ont offensés. Or, comme il s'était écarté de ce sujet pour traiter d'autres matières, il y revient et complète l'explication de ce précepte en ajoutant : « Tout ce que vous voudrez, »etc., c'est-à-dire non-seulement vous ne devrez pas juger, mais tout ce que vous voudrez que les hommes fassent pour vous, vous devez le faire pour eux ; c'est alors que vos prières pourront être exaucées.
Ou bien, enfin, le Seigneur veut établir que les hommes doivent chercher près de Dieu le secours dont ils ont besoin, et faire en même temps tout ce qui dépend d'eux pour assurer le succès de leurs prières. C'est ainsi qu'après avoir dit : « Demandez et vous recevrez, » il enseigne clairement que les hommes doivent s'appliquer aux oeuvres de la charité : « Tout ce que vous voulez, » etc.
Notre-Seigneur ne dît pas seulement : « Toutes les choses, » mais il ajoute le mot « donc, » comme s'il disait : « Si vous voulez que je vous exauce, joignez cette recommandation à toutes celles qui précèdent. Et remarquez qu'il ne dit pas : « Tout ce que vous voulez que Dieu fasse pour vous, faites-le aussi pour votre prochain, car vous pourriez dire : Cela m'est impossible, » mais : « Tout ce que vous voudriez que vous fît votre frère, faites-le vous-même pour lui. »
En effet, tous les commandements de la loi et des prophètes disséminés dans les saintes Écritures, sont renfermés dans ce merveilleux abrégé comme les innombrables rameaux d'un arbre sont contenus dans une seule racine.
Il est donc évident que tous nous pouvons trouver en nous-mêmes la connaissance de ce qu'il nous importe de savoir et que nous ne pouvons prétexter d'ignorance.
Dieu nous avait promis de nous accorder les biens que nous lui demanderions ; or, si nous voulons qu'il nous reconnaisse pour ses mendiants, ne rejetons pas les nôtres. En effet, si on en excepte les richesses matérielles, il n'y a aucune différence entre ceux qui demandent et ceux à qui ils adressent leur prière. De quel front osez-vous donc approcher de Dieu pour le prier, vous qui ne voulez point écouter votre frère ? Aussi est-il écrit dans le livre des Proverbes : « Celui qui ferme son oreille au cri du pauvre demandera lui-même, et il ne sera pas exaucé (Pv 21). » Mais que devons-nous accorder à la prière de nos frères si nous voulons que Dieu exauce la nôtre ? Pour répondre à cette question, demandons-nous ce que nous voulons que les autres fassent pour nous-mêmes. « Faites aux hommes tout ce que vous voulez qu'on vous fasse. »
On lit dans quelques exemplaires latins : « Faites-leur du bien. » Le mot bien a été ajouté pour plus de clarté. On pouvait en effet se demander si un homme qui désirerait qu'on agît à son égard d'une manière coupable, pourrait, en s'appuyant sur cette maxime, commettre le premier l'injustice dont il désire être lui-même l'objet. Il serait absurde de penser que cet homme accomplit ce précepte. Sans l'addition de ce mot « bien, » le sens de cette maxime est complet. Car ces paroles : « Tout ce que vous voulez, » ne doivent pas être prises ici dans un sens trop général, mais dans le sens propre du mot. Or, la volonté n'existe que dans les bons ; dans les mauvais, la volonté n'est à proprement parler que la cupidité. Sans doute les Écritures ne s'expriment pas toujours de la sorte, mais il faut les entendre ainsi alors qu'elles emploient une expression tellement propre qu'elles ne permettent pas de lui en substituer une autre.
Ce précepte paraît avoir pour objet l'amour du prochain et non l'amour de Dieu, quoique Notre-Seigneur dise dans un autre endroit qu'il y a deux commandements qui renferment toute la loi et les prophètes. Mais ce dernier passage porte : « Toute la loi », ce que Notre-Seigneur ne dit pas ici pour réserver la place à l'autre commandement qui est celui de l'amour de Dieu.
Ou bien encore, la sainte Écriture ne fait mention que du seul commandement de l'amour du prochain en disant : « Tout ce que vous voulez, » car celui qui aime son prochain aime nécessairement et premièrement l'amour lui-même. Or, Dieu est amour ; donc il aime Dieu lui-même par-dessus toutes choses.
Une conduite sage et réglée donne à l'homme une certaine fermeté et la force de marcher dans la voie de la sagesse, et le font parvenir jusqu'à la pureté, jusqu'à la simplicité du coeur. Notre-Seigneur conclut tous les développements qu'il vient de donner sur cette matière par ces paroles : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-même pour eux, » car il n'est personne qui voudrait qu'on agît à son égard avec duplicité et dissimulation.
Celui, en effet, qui pense à faire aux autres ce qu'il voudrait qu'on lui fit à lui-même s'applique à rendre le bien pour le mal, et le bien au centuple de ce qu'on lui fait.
La Glose
Ou bien encore c'est l'Esprit saint qui distribue toutes les grâces spirituelles qui nous font accomplir les oeuvres de la charité. C'est pour cela que Notre-Seigneur ajoute : « Faites aux hommes tout ce que vous vous voulez qu'ils vous fassent. »
982. TOUT CE QUE VOUS VOULEZ QUE LES HOMMES VOUS FASSENT, FAITES-LE POUR EUX, c’est-à-dire pardonnez, si vous voulez qu’il vous soit pardonné. Certains ont ajouté : TOUS LES BIENS, mais cela n’est pas nécessaire, car [le Seigneur] dit : [CE QUE] VOUS VOULEZ. Or, la volonté est le désir de biens, et la cupidité celui de maux. Il n’est donc pas nécessaire d’ajouter : LES BIENS. Ainsi, ce que tu veux qu’on te fasse, fais-le aux autres. VOILÀ LA LOI ET LES PROPHÈTES, et [le Seigneur] ne dit pas : toute la loi et les prophètes, comme lorsqu’il s’agit des préceptes premiers : Toute la loi et les prophètes tiennent en ces deux choses [Mt 22, 40].
Ce verset, plus encore que le sixième, semble
rompre l’’enchaînement des pensées. De nombreux auteurs croient qu’il a perdu sa place naturelle et le
rattachent au v. 5. D’autres, à la suite de S. Jean Chrysostôme, lui laissent le rang qu’il occupe actuellement
et essaient d'établir une transition de la manière suivante : « Donc, pour que vous obteniez de Dieu le Père
les biens que vous lui demandez en priant, accordez à ceux qui vous entourent les biens qu’ils vous
demandent », Cornel a Lap. ; de même Tholuck. La particule ainsi, qui ouvre le v. 12, nous paraît avoir une
signification plus générale. Remarquons en effet que Jésus approche de la fin de son discours : la loi royale
« tout ce que vous voulez... » en forme en quelque sorte le corps. Avant de passer à ses exhortations finales et
à sa péroraison, le divin Orateur l’a donc énoncée comme le résumé et comme le terme de tout ce qu’il avait
dit jusqu’alors. Aussi n’est-ce pas seulement avec le v. 11 qu’il faut la relier, mais avec le discours pris dans
son entier. - Tout ce que vous voulez... : c’est le troisième grand principe de moralité contenu dans le Sermon
sur la Montagne ; véritable « règle d'or », comme on l’a depuis longtemps et justement dénommée, qui, en
faisant de l’amour qu’on a pour soi-même la norme de celui qu’on doit porter aux autres, établirait entre les
hommes l’union la plus parfaite, si elle était constamment pratiquée. Du reste ce n’est pas un principe
exclusivement chrétien, mais plutôt une loi naturelle dont on rencontre déjà la formule dans l’Ancien
testament et même chez les auteurs profanes. « Ce que tu détesterais qu’un autre te fasse, lisons-nous au livre
de Tobie, 4, 16, veille à ne jamais le faire à autrui ». « Apprends de toi-même comment tu dois te comporter
envers le prochain », dit aussi l'Ecclésiastique, 31, 18. Ausone, Ephem., se prescrivait la même règle de
conduite :
« Que je ne fasse jamais à personne les choses qu’en aucun moment,
je ne voudrais pas qu’on me fasse . »
- Car c'est là... ; c’est-à-dire tel est le sommaire de tout ce qu’enseigne l’Ancien Testament, dont la Loi et les
Prophètes formaient la partie principale. Voir la notre de v. 17. Sommaire incomparable ! En effet cette ligne
renferme en résumé tous les divins préceptes. - Nous trouvons dans le Talmud, traité Schabbath, F. 31, 1, un
trait plein d'intérêt qui a ici sa place toute marquée : « Un Gentil vint voir Schammai et lui dit : Fais de moi
un prosélyte à la seule condition que tu m’enseignes toute la loi pendant que je me tiens sur un seul pied.
Schammai le chassa avec la perche de dix pieds qu’il avait dans la main. Il vint voir Hillel. Celui-ci le fit
prosélyte en lui disant : Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse. Voilà toute la loi. Le
reste n’en est que des explications. Va-t-en parfait ! »
– La " règle d’or " : " Tout ce que vous désirez que les autres fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux " (Mt 7, 12 ; cf. Lc 6, 31 ; Tb 4, 15).
La Loi s'accomplit dans l'histoire de Jésus de Nazareth, et le cœur nouveau est donné par son Esprit. En effet, Jésus ne renie pas la Loi mais il l'accomplit (cf. Mt 5, 17): la Loi et les Prophètes se résument dans la règle d'or de l'amour mutuel (cf. Mt 7, 12). En Jésus, la Loi devient définitivement « évangile », bonne nouvelle de la seigneurie de Dieu sur le monde, qui rapporte toute l'existence à ses racines et à ses perspectives originelles. C'est la Loi nouvelle, « la loi de l'Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus » (Rm 8, 2), dont l'expression fondamentale, à l'imitation du Seigneur qui donne sa vie pour ses amis (cf. Jn 15, 13), est le don de soi dans l'amour pour les frères: « Nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères » (1 Jn 3, 14). C'est une loi de liberté, de joie et de béatitude.
Dans le Nouveau Testament, le précepte d’Hillel est exprimé positivement : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux : voilà la Loi et les Prophètes » (Mt 7, 12). Cet appel est universel ; il vise à inclure tous les hommes uniquement en raison de la condition humaine de chacun, car le Très-Haut, le Père qui est aux cieux, « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons » (Mt 5, 45). En conséquence, il est demandé : « Montrez-vous compatissants, comme votre Père est compatissant » (Lc 6, 36).