Matthieu 7, 14

Mais elle est étroite, la porte, il est resserré, le chemin qui conduit à la vie ; et ils sont peu nombreux, ceux qui le trouvent.

Mais elle est étroite, la porte, il est resserré, le chemin qui conduit à la vie ; et ils sont peu nombreux, ceux qui le trouvent.
Saint Jean Chrysostome
Ou bien encore, cette troisième conséquence se rapporte au précepte du jeûne, et telle est la suite des idées : « Pour vous, lorsque vous jeûnez, parfumez votre tête », et puis ensuite : « Entrez par la porte étroite. » Il est en effet trois inclinations qui tiennent plus particulièrement à notre nature, et qui sont étroitement unies à notre corps. La première est celle du boire et du manger, la seconde l'affection de l'homme pour la femme, la troisième l'amour du sommeil, et ces trois inclinations sont plus difficiles à retrancher de notre nature que toutes les autres passions. Aussi la mortification d'aucune passion ne sanctifie autant le corps de l'homme comme d'être chaste, de jeûner, et de persévérer dans les veilles. Notre-Seigneur a donc en vue ces trois actes de vertu et en particulier le jeûne si rigoureux, lorsqu'il dit : « Entrez par la porte étroite.

La porte de la perdition c'est le démon, et c'est par cette porte qu'on entre dans l'enfer. Jésus-Christ, au contraire, est la porte de vie, porte qui nous ouvre l'entrée du royaume des cieux. Ce qui fait donner au démon le nom de porte large, ce n'est ni l'étendue, ni la grandeur de son pouvoir, mais le débordement de son orgueil effréné qui ne connaît point de bornes. Et si le Christ nous est présenté comme la porte étroite, ce n'est pas que son pouvoir soit faible et resserré, mais parce que son humilité lui a inspiré de se raccourcir et de se renfermer dans les étroites limites du sein d'une vierge, lui que le monde entier ne peut contenir. La voie de la perdition, c'est l'iniquité quelle qu'elle soit. Cette voie est appelée large parce qu'elle n'est pas contenue dans les sages limites de la règle et de la discipline, et que ceux qui prennent cette voie font profession de poursuivre tout ce qui a pour eux de l'attrait. Au contraire, tout acte de vertu est la voie qui conduit à la vie, et on l'appelle étroite pour des raisons opposées à celles que nous venons de dire. Or remarquez qu'il faut nécessairement marcher par cette voie pour arriver à la porte, car on ne peut arriver à une véritable connaissance du Christ qu'en suivant la voie de la justice ; de même qu'on ne tombe dans les mains du démon qu'en marchant dans la voie des pécheurs.

Mais comment le Sauveur qui bientôt nous dira : « Mon joug est doux, et mon fardeau léger, » peut-il appeler étroite et resserrée la voie qui conduit au ciel ? Pour comprendre cette douceur et cette suavité, il faut remarquer que Notre-Seigneur parle ici d'une voie et d'une porte, que ce qu'il appelle large et spacieux est aussi une voie et une porte. Ni l'une ni l'autre ne doivent toujours durer, et elles ne sont que passagères. Or la pensée qu'on ne fait que passer par les travaux et les peines pour arriver au bonheur, c'est-à-dire à la vie éternelle, ne suffit-elle pas pour adoucir toutes les souffrances de la vie ? Car si l'espérance seule d'une récompense périssable rend les tempêtes légères au matelot, et les blessures douces au combattant, à plus forte raison la vue du ciel qui nous est ouvert, et ses récompenses immortelles doivent-ils nous faire oublier les dangers qui nous menacent. D'ailleurs Notre-Seigneur n'appelle cette voie étroite que pour la rendre plus douce ; par là, en effet, il nous avertit d'être sur nos gardes, et il dirige nos désirs vers le but qu'il nous propose. N'est-il pas vrai que celui qui combat dans l'arène puise un nouveau courage quand il voit son souverain admirer ses généreux efforts ? Ne nous laissons donc pas abattre sous le poids des afflictions qui viendront fondre sur nous : la voie est étroite, mais non pas la cité. Ne cherchons pas le repos ici-bas, et ne redoutons pas de tribulations dans l'autre vie. En ajoutant : « Car il y en a peu qui la trouvent, » Notre-Seigneur fait allusion à la lâcheté d'un trop grand nombre, et il nous avertit de fixer nos regards non pas sur la prospérité de la multitude, mais sur les travaux du petit nombre.
Saint Jérôme
Notre-Seigneur tient un langage distinct en parlant de ces deux voies. Il dit qu'il en est beaucoup qui marchent par la voie large, et qu'il en est peu qui trouvent la voie étroite. En effet, nous ne cherchons pas la voie large, et nous n'avons aucune peine à la trouver ; elle se présente d'elle-même, et c'est le chemin de ceux qui s'égarent. Tous au contraire ne trouvent pas la voie qui est étroite, et ne la suivent pas aussitôt qu'ils l'ont trouvée, cor il en est beaucoup qui après avoir trouvé la voie de la vérité, se laissent séduire par les voluptés de la terre, et reviennent sur leurs pas alors qu'ils étaient au milieu de leur course.
Saint Augustin
Le Seigneur nous a recommandé plus haut la simplicité et la pureté du coeur qui font trouver Dieu. Mais c'est le partage d'un petit nombre. Aussi va-t-il nous parler de la recherche de la sagesse ; et tout ce qui précède avait pour but de rendre l'oeil de l'âme assez pur pour rechercher et contempler cette divine sagesse, et découvrir la voie resserrée et la porte étroite dont il est dit : « Entrez par la porte étroite. » 
Saint Grégoire le Grand
Quoique la charité mette le coeur au large, elle ne détache les hommes de la terre qu'en les faisant passer par des sentiers étroits et escarpés. N'est-ce pas être à l'étroit en effet que de tout mépriser, de n'aimer qu'une seule chose, de ne pas désirer la prospérité, de ne pas craindre l'adversité ?
La Glose
Ou bien, quoiqu'il soit difficile de faire aux autres ce que nous voudrions qu'on nous fît à nous-mêmes, cependant c'est une condition indispensable si nous voulons entrer par la porte étroite.
Saint Thomas d'Aquin
986. ÉTROIT EST LE CHEMIN ET RESSERRÉ LE SENTIER QUI CONDUIT À LA VIE. Voilà le contraire de ce qui précède. Et ce [chemin] est étroit, car il se rétrécit par la règle de la loi, et il s’agit d’un choix entre deux voies, Pr 4, 27 : Le chemin qui est à droite, le Seigneur le connaît ; mais mauvais sont les chemins qui mènent à gauche, etc.

987. Mais on peut se demander pourquoi le chemin de la charité est étroit, car il semble qu’il est large, Pr 4, 11 : Je te mènerai par les sentiers de la justice ; lorsque tu y seras entré, tes pas ne seront pas limités. Or, le chemin des pécheurs est un chemin étroit ; c’est pourquoi Sg 5, 7 [dit] : Nous avons emprunté des chemins difficiles. Il faut dire qu’il existe un chemin de la chair et [un chemin] de la raison. Le chemin de la charité sur la voie de la chair est un chemin étroit ; [mais c’est] le contraire sur la voie de la raison. Il en existe un exemple chez le pédagogue, car plus [celui-ci] aime l’enfant, plus il restreint ses pas. Ainsi, les chemins de la charité sur la voie de la chair sont étroits, [mais c’est] le contraire sur la voie de la raison, Ps 118[119], 120 : Transperce ma chair de ta crainte.

988. ET IL EN EST PEU QUI LE TROUVENT. [Le Seigneur] fait ici mention de la découverte rare et difficile sur la voie de l’esprit, alors qu’elle ne l’est pas sur la voie de la chair. Et la raison [en est la suivante] : la voie de la chair est le plaisir, et celui-ci se présente facilement, mais la voie de l’esprit est cachée ; c’est pourquoi Ps 30[31], 20 [dit] : Comme est grande ta douceur, Seigneur, que tu as cachée pour ceux qui te craignent ! En effet, parce qu’elle est cachée, peu la trouvent. Mais certains la trouvent, et reviennent cependant sur leurs pas ; il est dit d’eux en Lc 9, 62 : Quiconque a mis la main à la charrue et regarde en arrière est impropre au royaume de Dieu.
Louis-Claude Fillion
Combien est étroite la porte... Symbole des peines et des sacrifices qu’impose la justice chrétienne bien pratiquée. La porte est étroite, c’est-à-dire que le premier pas est dur entre tous ; la route est resserrée, malaisée, c’est-à-dire que le chemin de la vertu est hérissé de difficultés sans nombre. Mais, quelle récompense attend ceux qui surmontent courageusement ces obstacles ! - Qui conduit à la vie : la vie éternelle, dans le sein de Dieu, les reposera de toutes leurs fatigues. - Malheureusement, il y en a peu qui la trouvent : ces mots durent être prononcés avec un accent de profonde tristesse. De nos jours comme au temps de Jésus, comme à toutes les époques, l’humanité se divise en deux catégories : la foule suit la voie large sans s’inquiéter de l’abîme qui en est le terme ; le petit nombre gravit péniblement l’étroit sentier, se consolant à la pensée des joies futures. - C’est à bon droit que les Pères et les Docteurs ont vu dans ce passage un argument favorable au sentiment d’après lequel le nombre des élus sera relativement restreint. - « Ils trouvent » est une expression très heureuse : « Celle-ci, i.e. la voie cachée. Ils la trouvent même s’ils ne la recherchent pas, parce qu’ils sont nés en elle », Glossa ordin. ; mais il faut chercher la voie étroite pour la découvrir.