Matthieu 7, 29
car il les enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme leurs scribes.
car il les enseignait en homme qui a autorité, et non pas comme leurs scribes.
Ou bien ils mesuraient l'effet de son pouvoir sur la vertu de ses paroles.
Si les raisons que l'on présente à l'esprit de l'homme sont de nature à le satisfaire, elles obtiennent ses louanges ; si elles triomphent de lui, elles excitent son admiration, car tout ce que nous ne pouvons louer comme il le mérite, nous l'admirons. Leur admiration cependant était bien plutôt un témoignage de la gloire de Jésus-Christ que de leur foi, car s'ils avaient cru en Jésus-Christ, ils ne l'auraient pas tant admiré. En effet qu'est-ce qui excite d'ordinaire cette admiration mêlée d'étonnement ? Ce qui surpasse la puissance de celui qui agit ou qui parle : aussi ne sommes-nous pas étonnés des paroles ou des oeuvres de Dieu, car elles sont toutes inférieures à sa puissance. C'était la foule qui était dans l'admiration, c'est-à-dire le vulgaire, et non les princes du peuple, qui n'écoutaient pas avec le désir d'apprendre. Le peuple simple au contraire écoutait avec simplicité, et son silence eût été troublé par les contradictions des princes du peuple, s'ils avaient été présents ; car plus il y a de science, plus la malice est grande, celui qui s'empresse trop d'être le premier ne pouvant se contenter d'être au second rang.
L'Évangéliste indique la cause de cette admiration : « Car il les enseignait, » etc. Si lorsque cette puissance se manifestait par des oeuvres, les scribes repoussaient le Christ loin d'eux, combien plus auraient-ils été scandalisés, alors que cette puissance ne se déclarait que par de simples paroles. Mais la foule n'éprouva pas cette impression ; car, lorsqu'une âme veut le bien, elle se laisse facilement persuader aux enseignements de la vérité. Notre-Seigneur manifestait cette puissance d'enseignement en captivant un grand nombre de ceux qui l'écoutaient, et en excitant leur admiration. Aussi le charme de ses paroles était si grand qu'ils ne voulaient pas le quitter, alors même qu'il avait cessé de parler, et c'est pourquoi ils le suivirent lorsqu'il descendit de la montagne. Ce qui les étonnait davantage dans cette puissance, c'est que Notre-Seigneur ne rapportait pas à un autre l'objet de son enseignement, comme Moïse et les prophètes, mais qu'il déclarait en toute circonstance qu'il était le souverain Maître ; en effet, il ne porte aucune loi sans cette formule : « Pour moi, je vous dis, » etc.
C'est comme étant le Dieu et le Maître de Moïse lui-même que, dans la plénitude de sa liberté, il ajoutait à la loi ce qui devait lui donner plus de clarté, ou même qu'il la changeait dans ses prédications au peuple, ainsi que nous l'avons vu plus haut : « Il a été dit aux anciens : Pour moi, je vous dis. » Les scribes, au contraire, ne faisaient qu'enseigner ce que contenaient les écrits de Moïse et des prophètes.
De ce qui est dit ici on peut conclure que l'Évangéliste veut parler de la foule des disciples, dans le grand nombre desquels il en avait choisi douze à qui il donna le nom d'Apôtres, circonstance qu'omet saint Matthieu (cf. Lc 6, 12), car Notre-Seigneur Jésus-Christ paraît n'avoir adressé qu'à ses disciples qui étaient sur la montagne ce discours que saint Matthieu insère ici et sur lequel saint Luc garde le silence. Et lorsque ensuite il fut descendu, il en tint un autre semblable sur lequel saint Matthieu se tait et que rapporte saint Luc. On peut dire aussi comme plus haut que Notre-Seigneur n'a prononcé devant les Apôtres et le reste de la foule qu'un seul et même discours que saint Matthieu et saint Luc rapportent de la même manière, quant aux vérités qu'il renferme quoique sous une forme différente. Ainsi s'explique naturellement l'admiration de la foule.
C'est ce qui est ainsi figuré dans ces paroles des Psaumes : « J'agirai à son égard avec confiance ; les paroles du Seigneur sont des paroles chastes, de l'argent éprouvé par le feu, passé par le creuset, purifié sept fois. »
C'est ce nombre sept qui m'a donné la pensée de rapporter tous ces préceptes aux sept maximes qui forment l'exorde de ce discours, c'est-à-dire aux béatitudes. En effet, qu'un homme se mette en colère contre son frère, qu'il lui dise raca ou qu'il le traite de fou, c'est l'effet d'un grand orgueil contre lequel il n'y a qu'un remède, implorer de Dieu le pardon avec un esprit suppliant qui n'ait aucune enflure, aucun sentiment d'ostentation. « Bienheureux donc les pauvres d'esprit, parce que le royaume de Dieu leur appartient. » On se montre d'accord avec son adversaire, c'est-à-dire qu'on rend à la parole de Dieu le respect qui lui est dû en s'approchant pour ouvrir le testament du Père céleste non pas avec amertume et le désir de la chicane, mais avec la douceur qu'inspire la piété : « Bienheureux donc ceux qui sont doux parce qu'ils posséderont la terre. » Que celui qui sent l'attrait des voluptés sensuelles se révolter contre la droite volonté s'écrie : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de la mort de ce corps ? » (Rm 7, 24) et que par ses larmes il implore le secours de Dieu son consolateur. « Bienheureux donc ceux qui pleurent parce qu'ils seront consolés. » Que peut-on imaginer de plus dur que de triompher d'une habitude vicieuse en retranchant en soi les membres qui sont un obstacle à ce royaume des cieux, et cela sans être brisé par la douleur ; de supporter dans l'union conjugale toutes les choses qui n'ont pas le caractère de la fornication quoiqu'elles soient souverainement pénibles, de dire toujours la vérité, et de ne point l'appuyer sur des serments faits à tout propos, mais sur l'intégrité des moeurs ? Mais qui osera se dévouer à de si grands travaux, sans être enflammé de l'amour de la justice, et comme dévoré par la faim et par une soif ardente ? Bienheureux sont ceux qui ont faim et soif, parce qu'ils seront rassasiés. » Qui sera toujours prêt à supporter les outrages de ceux qui sont faibles, à donner à celui qui lui demande, à aimer ses ennemis, à faire du bien à ceux qui le haïssent, à prier pour ceux qui le persécutent, si ce n'est celui qui sera parfaitement miséricordieux ? « Bienheureux donc les miséricordieux, parce qu'ils obtiendront miséricorde. » Pour avoir l'oeil du coeur pur, il ne faut point se proposer pour fin de ses bonnes oeuvres le désir soit de plaire aux hommes, soit de pourvoir aux nécessités de la vie, ni condamner témérairement les intentions du prochain, et dans tout ce qu'on fait pour lui, il faut agir comme on voudrait qu'il agit à notre égard. « Bienheureux donc ceux qui ont le coeur pur, » etc. Il faut encore qu'à l'aide d'un coeur pur nous trouvions la voie étroite de la sagesse, que les séductions des esprits pervers veulent nous dérober. Si on parvient à les éviter, on est sûr d'arriver à la paix que donne la sagesse. « Bienheureux donc les pacifiques. » Mais soit qu'on admette cette liaison d'idées, soit qu'on en préfère un autre, c'est une obligation pour nous de mettre en pratique les préceptes que nous avons reçus du Seigneur, si nous voulons bâtir sur la pierre.
Ou bien Jésus-Christ a eu ce privilège spécial de parler avec un pouvoir légitime, parce qu'il n'y a jamais en chez lui ni faute ni faiblesse. Pour nous, qui sommes faibles, consultons notre faiblesse pour apprendre d'elle ce que nous devons enseigner à nos frères faibles comme nous.
Cette dernière expression nous représente la perfection des paroles du Sauveur, et l'excellence de ses préceptes. Cette remarque faite par l'Évangéliste que les peuples étaient dans l'admiration se rapporte ou aux infidèles qui étaient dans l'étonnement, parce qu'ils ne croyaient pas aux paroles du Sauveur, ou tous ceux en général qui admiraient en lui la supériorité d'une sagesse aussi sublime.
La Glose
Jésus-Christ ayant complété son enseignement, l'Évangéliste nous montre l'effet de sa doctrine sur la foule par ces paroles : « Et il arriva lorsqu'il eut achevé, » etc.
1017. Mais quelle était la raison de l’étonnement ? Parce que [Jésus] ENSEIGNAIT COMME UN HOMME QUI A AUTORITÉ. De sorte que s’accomplit en lui ce qui est dit en Qo 8, 4 : Sa parole est remplie de puissance. Ainsi, QUI A AUTORITÉ, parce qu’il parlait comme le Seigneur ou comme le législateur. Ou bien : COMME UN HOMME QUI A AUTORITÉ, par la capacité de pénétrer le cœur. Ainsi, il est dit, Ps 67[68], 34 : Il fera de sa voix une voix puissante. Ou bien [parce qu’il parlait] avec la puissance de faire des miracles, car ce qu’il disait, il le confirmait par des miracles.
1018. Augustin dit que tout ce qui est dit dans ce discours doit être ramené aux sept dons et aux béatitudes, car ce qui est d’abord dit : «Tu ne tueras pas», se rapporte au don de crainte et à la béatitude de la pauvreté. Et ce qui suit : «Sois conciliant envers ton ennemi», se rapporte au don de piété, par lequel se réalise la douceur. Et ceci : «Tu ne commettras pas l’adultère, etc.», se rapporte au don de science, par lequel se réalise la béatitude des pleurs. Et lorsqu’on [dit] de supporter, [cela se rapporte] au don de force, par lequel cela se réalise, et à la béatitude : «Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice, etc.» Et ceci : «Aimez vos ennemis», au don de conseil, par lequel se réalise la béatitude sur la miséricorde. Mais par ce qui suit au chapitre VI : ne pas avoir d’inquiétude [6, 25s], jusqu’à : ENTREZ PAR LA PORTE ÉTROITE [7, 13], [le Seigneur] cherche à purifier le cœur. Cela se rapporte donc au don d’intelligence et à la béatitude qui porte sur la pureté de cœur : «Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu» [5, 8]. Tout ce qui suit [se rapporte] au don de sagesse.
1018. Augustin dit que tout ce qui est dit dans ce discours doit être ramené aux sept dons et aux béatitudes, car ce qui est d’abord dit : «Tu ne tueras pas», se rapporte au don de crainte et à la béatitude de la pauvreté. Et ce qui suit : «Sois conciliant envers ton ennemi», se rapporte au don de piété, par lequel se réalise la douceur. Et ceci : «Tu ne commettras pas l’adultère, etc.», se rapporte au don de science, par lequel se réalise la béatitude des pleurs. Et lorsqu’on [dit] de supporter, [cela se rapporte] au don de force, par lequel cela se réalise, et à la béatitude : «Bienheureux ceux qui ont faim et soif de justice, etc.» Et ceci : «Aimez vos ennemis», au don de conseil, par lequel se réalise la béatitude sur la miséricorde. Mais par ce qui suit au chapitre VI : ne pas avoir d’inquiétude [6, 25s], jusqu’à : ENTREZ PAR LA PORTE ÉTROITE [7, 13], [le Seigneur] cherche à purifier le cœur. Cela se rapporte donc au don d’intelligence et à la béatitude qui porte sur la pureté de cœur : «Bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu» [5, 8]. Tout ce qui suit [se rapporte] au don de sagesse.
Motif de ce ravissement légitime. Tout contribuait à rehausser l’éclat de l’autorité de
Jésus : dans sa personne, la majesté de sa physionomie, l’assurance de sa voix, la fermeté persuasive de son
regard ; dans sa doctrine, la beauté, la vérité, la simplicité, la difficulté même des préceptes. On sentait à son
accent que c’était non seulement un prophète, mais un législateur qui parlait. « Car il ne parlait pas en se
référant aux paroles des autres, comme les prophètes et Moïse, mais il montrait partout que c’est lui -même
qui détenait l’autorité. Car quand il citait les lois, il ajoutait : mais moi je vous dis…il se montrait comme le
juge », S. Jean Chrysost. Hom. 25 in Matth. - Non pas comme leurs scribes... Ceux-ci n’étaient au contraire,
comme le démontre chaque page du Talmud, que de fades interprètes, aimant à pointiller sur les mots,
demeurant toujours dans le terre à terre des explications minutieuses, sans savoir s’élever jusqu’aux sphères
sereines où la vérité religieuse apparaît plus belle et plus consolante. Le peuple lui-même, qui est au reste
meilleur juge qu’on ne croit en ces sortes de choses, comprenait la différence qui existait entre les deux
méthodes. - « Il les enseignait » dans le texte latin le verbe est au passif « il était en train d'enseigner »
périphrase hébraïque, également familière aux Grecs, qui fortifie la pensée en dénotant une habitude, un fait
régulier.
Le lien entre foi et Décalogue est également important. La foi, nous l’avons dit, apparaît comme un chemin, une route à parcourir, ouverte à la rencontre avec le Dieu vivant. C’est pourquoi à la lumière de la foi et de la confiance totale dans le Dieu qui sauve, le Décalogue acquiert sa vérité la plus profonde, contenue dans les paroles qui introduisent les dix commandements : « Je suis ton Dieu qui t’a fait sortir du pays d’Égypte » (Ex 20, 2). Le Décalogue n’est pas un ensemble de préceptes négatifs, mais des indications concrètes afin de sortir du désert du « moi » autoréférentiel, renfermé sur lui-même, et d’entrer en dialogue avec Dieu, en se laissant embrasser par sa miséricorde et pouvoir en témoigner. La foi confesse ainsi l’amour de Dieu, origine et soutien de tout, elle se laisse porter par cet amour pour marcher vers la plénitude de la communion avec Dieu. Le Décalogue apparaît comme le chemin de la reconnaissance, de la réponse d’amour, réponse possible parce que, dans la foi, nous sommes ouverts à l’expérience de l’amour transformant de Dieu pour nous. Et ce chemin reçoit une lumière nouvelle de ce que Jésus enseigne dans le discours sur la montagne (Cf. Mt 5-7).