Matthieu 8, 29

Et voilà qu’ils se mirent à crier : « Que nous veux-tu, Fils de Dieu ? Es-tu venu pour nous tourmenter avant le moment fixé ? »

Et voilà qu’ils se mirent à crier : « Que nous veux-tu, Fils de Dieu ? Es-tu venu pour nous tourmenter avant le moment fixé ? »
Saint Thomas d'Aquin
1084. Mais on montre leur impatience, parce qu’ils ne supportaient pas la présence du Christ. C’est pourquoi il est dit : ILS SE MIRENT À CRIER. Par là est montrée leur impatience, Is 65, 14 : Vous crierez à cause de la douleur de votre cœur et vous hurlerez à cause de la contrition de votre esprit. De même, ils affirment la puissance de Dieu, en disant : QUE NOUS VEUX-TU, JÉSUS, FILS DE DIEU ? Rien, à la vérité, car il n’y a aucun rapport entre le Christ et Bélial. Mais pourquoi disaient-ils cela ? Parce qu’ils punissaient gravement les hommes et avaient entendu dire que le Christ devait leur enlever leur pouvoir. Ainsi, ils voulaient dire : «Même si nous nuisons à d’autres, nous ne te nuisons pas. Pourquoi dois-tu nous accabler ?» De même, [les démons] confessent le Fils de Dieu. Et, par cela, les ariens sont confondus, car s’ils ne croient pas les saints, qu’ils croient au moins les démons. Mais, en sens contraire, il semble qu’ils n’ont pas reconnu [le Fils de Dieu], car [on lit] en 1 Co 2, 8 : S’ils l’avaient connu, jamais ils n’auraient crucifié le roi de gloire, etc. Mais il faut dire que, lorsque le Seigneur le voulait, il montrait son humanité, de sorte qu’il demeurait caché pour eux.

1085. ES-TU VENU NOUS TOURMENTER AVANT LE TEMPS ? Les démons savent qu’au jour du jugement, les démons doivent subir un tourment plus grand, alors qu’on leur dira : Allez, maudits, au feu éternel [25, 41]. De même, certains croient que, jusqu’au jour du jugement, les démons ne souffrent pas de la peine du sens, mais de la peine du dam, et cela, en raison de cette parole : TU ES VENU AVANT LE TEMPS. Mais à cela s’oppose ce que dit [Jean] Damascène : «Ce qui est pour les anges une chute est la mort pour les hommes.» Mais les hommes, lorsqu’ils meurent, reçoivent aussitôt la peine du sens ; de même, les anges qui ont chuté. Certains disent que [les anges] portent toujours avec eux leur propre feu. Mais comment cela peut-il se faire, car le feu est corporel ? Il faut dire que, bien que ce feu soit corporel, il comporte cependant quelque chose de spirituel. Ainsi, il cause la souffrance par une sorte d’association. En effet, l’esprit déborde la nature du corps, mais Dieu associe les esprits aux corps ; comme lorsque l’âme est liée au corps, elle fait que le corps se meut selon la volonté de l’âme, comme lorsqu’une prélature est donnée à quelqu’un dans une église, alors qu’il n’y réside pas. De même, bien que le feu soit corporel, il peut agir en raison d’un certain caractère spirituel. NOUS TOURMENTER, etc. [Les démons] estiment que c’est un grand tourment qu’ils ne puissent pas nuire aux hommes. Mais, s’ils étaient en enfer, ils ne pourraient nuire ainsi ; et ainsi, c’est pour eux un grand tourment que d’entrer dans l’enfer.
Louis-Claude Fillion
Ils se mirent à crier : comme nous l’avons dit plus haut, ce sont les démons qui parlent par la bouche des possédés avec lesquels ils se sont pour ainsi dire identifiés, la personnalité de ces derniers semblant avoir momentanément disparu. - Qu'y a-t-il entre vous et nous ? En hébreu, Cf. 2 Reg. 16, 10 ; Jos. 22, 24, etc. « Si tu rends cela dans la langue de tous les jours, tu ne feras qu’engendrer du mépris. Car les latins disent aussi : quoi à toi avec moi ? En hébreu, le sens est différent : pourquoi me troubles-tu ? », Grotius, Annotat. in h.l. La traduction vulgaire de ces mots serait donc : Laissez-nous tranquilles. D’après quelques commentateurs, les démons auraient voulu dire à Jésus : Vous savez bien que nous n’avons rien contre vous, de même que vous n’avez rien contre nous ; affectant de tenir ce langage devant le peuple, pour lui faire croire qu’il existait des engagements préalables entre eux et le Sauveur. Mais c’est là un sens trop recherché, qui est d’ailleurs en contradiction manifeste avec le contexte. - Fils de Dieu, c’est-à-dire Messie, Cf. 4, 6 ; les démons n’ignorent plus que Jésus est vraiment le Christ qui doit sauver le genre humain. - Venu ici pour nous tourmenter avant le temps. De quelle époque les esprits mauvais veulent parler ici ? Quel genre de tourment Jésus-Christ leur infligeait-il alors ? Ce sont deux questions qui dépendent l’une de l’autre, et auxquelles on peut répondre en même temps. Il est certain que les démons, depuis le premier instant de leur chute et de leur damnation, subissent un châtiment perpétuel qui ne leur laisse jamais de repos. Néanmoins, d’après plusieurs textes très formels du Nouveau Testament, les souffrances qu’ils endurent sont loin d’avoir atteint leur « maximum » de gravité. S. Jude et S. Pierre enseignent de la façon la plus claire qu’à partir d’un certain moment, il y aura pour Satan et sa milice perverse un surcroît considérable de peine : « Les anges qui n’ont pas conservé leur rang mais qui ont abandonné leurs domiciles, Dieu les a réservés pour le jugement du dernier jour, enchaînés qu’ils sont éternellement dans les ténèbres. », S. Jud. v. 6. S. Pierre ajoute : « Car Dieu n’a pas épargné les anges qui avaient péché, mais il les a livrés, enchaînés, aux ténèbres infernales, où ils sont gardés pour le jugement », 2 Petr. 2, 4 ; Cf. 1 Cor. 6, 3. Jusqu’à présent, leur sentence quoique éternelle n’a pas encore reçu le degré de solennité que Dieu lui réserve ; en outre, ainsi que nous avons eu l’occasion de le dire précédemment, ils jouissent encore d’un pouvoir réel sur la nature et même sur l’humanité, ce qui leur permet de porter partout le désordre ici-bas et d’assouvir en partie leur soif de vengeance contre le royaume de Dieu. Mais, après la sentence finale du jugement dernier, ils seront privés de cette consolation : relégués à tout jamais au fond des enfers, ils y subiront des supplices d’autant plus douloureux que rien ne viendra les en distraire. Les mots « avant le temps » signifient donc : Avant le jugement général. Bien que l’heure précise de ces assises solennelles leur demeurât inconnue, les démons de Gadara pressentaient toutefois, lorsque Jésus s’approchait d’eux pour les expulser, que la fin du monde ne devait pas être aussi prochaine : ils font donc valoir avec hardiesse ce qu’ils croient être des droits acquis. Du reste, comme le fait remarquer S. Jean Chrysostôme, la seule présence du divin Maître était pour eux une aggravation de leurs tourments : « Ils étaient transpercés invisiblement, et flottaient comme s’ils étaient ballottés par les flots de la mer. Ils étaient brûlés, et une telle présence leur faisait souffrir des maux intolérables », Cf. Hom. 28 in Matth.