Matthieu 8, 32

Il leur répondit : « Allez. » Ils sortirent et ils s’en allèrent dans les porcs ; et voilà que, du haut de la falaise, tout le troupeau se précipita dans la mer, et les porcs moururent dans les flots.

Il leur répondit : « Allez. » Ils sortirent et ils s’en allèrent dans les porcs ; et voilà que, du haut de la falaise, tout le troupeau se précipita dans la mer, et les porcs moururent dans les flots.
Saint Thomas d'Aquin
1088. «ALLEZ», LEUR DIT-IL, etc. Mais le Seigneur semble avoir écouté les démons. Il faut dire qu’il ne les a pas écoutés, mais, dans sa sagesse, il a permis et ordonné que cela arrive afin que soit montrée la malice des démons, car, si le Seigneur ne les en avait pas empêchés, ils se seraient précipités sur les hommes comme ils l’ont fait sur les porcs. Mais lorsque le Seigneur permet quelque chose aux démons, il ne le leur permet pas totalement, mais il leur impose un frein, comme en Jb 2, 6. Ainsi, c’est pour indiquer cela que [le Seigneur] leur a permis de se précipiter sur les porcs. [C’était] aussi pour montrer que [les démons] ne peuvent rien sans la permission de Dieu. [C’était] pour que l’homme reconnaisse sa dignité, puisque, pour le salut d’un seul homme, [Jésus] permit que tant de milliers de porcs fussent tués.

1089. Vient ensuite : ET VOILÀ QUE, DANS UNE GRANDE RUÉE, TOUT LE TROUPEAU SE PRÉCIPITA DU HAUT DE L’ESCARPEMENT DANS LA MER, par quoi est signalé que personne ne peut être entièrement éliminé à moins qu’il ne soit comme un porc, c’est-à-dire entièrement impur. On lit ainsi en Ap 18, 21 : Babylone, la grande cité, sera emportée dans un grand souffle ; 2 P 2, 13 : Ceux-là périront comme des animaux sans raison et recevront le salaire de l’injustice, etc.
Louis-Claude Fillion
Allez. C’est le seul mot prononcé par Jésus durant toute cette scène, d’après la relation de S. Matthieu. Il accorde purement et simplement la permission demandée. Dieu prête parfois l’oreille aux pétitions de Satan et de ses ministres, Cf. Job. 1 et 2 ; mais c’est pour les couvrir d’ignominie devant les hommes. - Étant sortis : ils quittent violemment les corps des démoniaques, ainsi que l’exigeait Notre-Seigneur ; puis, profitant de son autorisation, ils entrèrent dans les porcs. Ce fut une possession d’un nouveau genre, qui fut aussitôt suivie d’un effet très simple et parfaitement compréhensible, bien qu’il ait été une pierre de scandale pour les exégètes d’une certaine école. Après la parole donnée à l’âne de Balaam, rien en effet n’a aussi vivement choqué les rationalistes que cette influence extraordinaire des démons sur des animaux. Ce fait est cependant très conforme à toutes les lois connues du monde diabolique et du règne animal. Si les esprits mauvais peuvent s’emparer de l’homme, pourquoi ne s’empareraient-ils pas aussi, pour arriver à leurs fins, de la brute dénuée de raison ? Et une brute, devenue le jouet du démon, est-elle capable de lui opposer une résistance bien grande ? Cela étant, le reste du récit n’offre plus aucune difficulté. - Tout le troupeau alla se précipiter... On a remarqué depuis longtemps que les animaux qui vivent par troupes sont d’une excessive impressionnabilité et plus sujets que d’autres à de subites paniques, capables de causer en un instant la ruine de tout un troupeau. Les porcs ont sous ce rapport une susceptibilité particulière ; Cf. l’intéressant ouvrage de Scheitlin, Thierseelenkunde, 2, 186. On les voit fréquemment saisis d’une frayeur soudaine dont on ignore entièrement les causes. On conçoit donc fort bien que, dans la circonstance présente, le troupeau de Gadara, affolé par l’invasion des démons, se soit précipité tout à coup dans les eaux du lac par la pente rapide qui y conduit de ce côté. - Et ils moururent... Les auteurs dont nous avons parlé affectent un mouvement de surprise, parfois même d’indignation, en lisant cette fatale issue. Ils s’étonnent de voir Jésus si bon, si compatissant, causer ce jour-là aux Gadaréniens un dommage si considérable ; ou bien ils vont jusqu’à l’accuser d’injustice, parce qu’il s’est arrogé, disent-ils, le droit de léser la propriété d’autrui. Avec un peu de bonne volonté, ils auraient compris qu’il n’y eut là qu’un mal apparent pour un bien réel, et que ce mal ne saurait retomber directement sur le Christ. « Si en effet les porcs se sont précipités dans la mer, ce ne fut pas sous l'effet d'un miracle divin, mais sous l'action des démons, et avec la permission divine », S. Thom. Aq. Du reste, sans rappeler ici le pouvoir souverain du Fils de Dieu sur toute la création, sans recourir à des excuses cent fois répétées et dont Jésus n’a nul besoin, nous nous contenterons de dire que les habitants de Gadara, plus intéressés que qui que ce soit dans cette affaire, ne lui ayant pas demandé raison de sa conduite, nous n’avons nous-mêmes aucun compte à exiger de lui. Voir dans M. Dehaut, l’Évangile expliqué, etc. 2, 434 et ss. un bon exposé des objections soulevées contre ce récit et de leurs solutions. Liseo et Gerlach, à la suite de plusieurs anciens, pensent que la ruine du troupeau eut pour but de châtier les Gadaréniens de leur désobéissance à la Loi ; mais nous avons vu (note du v. 30) que le cas de désobéissance n’est nullement prouvé.