Matthieu 8, 4
Jésus lui dit : « Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre. Et donne l’offrande que Moïse a prescrite : ce sera pour les gens un témoignage. »
Jésus lui dit : « Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre. Et donne l’offrande que Moïse a prescrite : ce sera pour les gens un témoignage. »
Tandis que le Seigneur enseignait sur la montagne il n'avait avec lui que ses disciples auxquels il avait été donné de connaître les secrets de la céleste doctrine ; maintenant qu'il descend de la montagne, il est suivi par la foule qui n'avait pu monter avec lui, car celui qui est accablé du fardeau de ses péchés ne peut point gravir les sublimes hauteurs des mystères. Mais lorsque le Seigneur descend et s'abaisse jusqu'à l'infirmité, jusqu'à l'impuissance des autres hommes, et qu'il a pitié de leurs imperfections et de leurs faiblesses, une grande foule de peuple le suit, les uns par un sentiment de charité, la plupart attirés par sa doctrine, quelques-uns parce qu'il les guérissait et prenait soin d'eux.
Jésus guérit lorsqu'il est descendu, et il n'opère aucun prodige sur la montagne, car toute chose a son temps sous le ciel ; il y a le temps de la doctrine, et le temps de la guérison des malades. Sur la montagne il a enseigné, il a pris soin des âmes, il a guéri les coeurs ; après ces oeuvres spirituelles, comme il est descendu des hauteurs des cieux pour sauver des hommes revêtus d'une chair mortelle, voici qu'un lépreux vient à lui et l'adore. Avant de rien demander, il l'adore, et professe ainsi les sentiments de religion qui l'animent.
«Seigneur, c'est par vous que toutes choses ont été faites ; si vous voulez, vous pouvez me guérir ; vouloir et faire sont pour vous une même chose, et toutes les oeuvres obéissent à votre volonté. Vous avez autrefois guéri de la lèpre Naaman le Syrien par le prophète Élisée, et si vous le voulez maintenant, vous pouvez aussi me guérir. »
Le lépreux n'a point hésité à croire, sa guérison ne se fait pas attendre ; il n'a point différé de professer sa foi, il est immédiatement purifié.
Ou bien il envoie ce lépreux se présenter aux prêtres pour qu'ils reconnaissent que ce n'est point par la vertu ordinaire de la loi, mais par l'efficacité de la grâce, qu'il a obtenu sa guérison.
Ou bien, offrez votre présent, afin que tous ceux qui vous verront accomplir cette prescription croient au miracle de votre guérison.
Ou bien encore, on peut admettre ce sens : « Que Moïse a ordonné comme témoignage pour eux, » car ce que Moïse a ordonné dans la loi, n'est pas un effet mais un témoignage.
Ou bien le silence lui est commandé parce que cette guérison ne lui est accordée qu'après qu'il l'a demandée.
Notre-Seigneur enseignait comme ayant autorité ; mais pour ôter toute apparence d'ostentation à cette manière d'enseigner, il la continue dans ses oeuvres miraculeuses, où il fait éclater le pouvoir qu'il avait de guérir ; c'est pourquoi l'Évangéliste dit : « Jésus étant descendu de la montagne, une grande foule de peuple le suivait. »
Il ne demandait point sa guérison au Seigneur comme à un homme habile dans l'art de guérir, mais il l'adorait comme Dieu. Ce qui rend la prière parfaite c'est la foi et la confession que nous en faisons ; aussi le lépreux satisfait au précepte de la foi en adorant, et il accomplit l'obligation de la confession par le langage qu'il tient.
Parmi ceux qui ne purent gravir la montagne, se trouvait le lépreux qui ne pouvait monter, accablé sous le poids de ses péchés, car le péché de nos âmes est une véritable lèpre. Notre-Seigneur descend donc des hauteurs du ciel comme d'une montagne élevée pour guérir la lèpre de nos péchés, et le lépreux se présente à lui comme s'il attendait qu'il fût descendu ; c'est pourquoi il est dit : « Et voici qu'un lépreux venant à lui. »
Il ne dit pas : « Si vous le demandez à Dieu, » ou bien « si vous recourez à la prière, » mais : « si vous le voulez, vous pouvez me guérir, » il ne dit pas non plus : « Seigneur, guérissez-moi, » mais il s'abandonne entièrement à lui, le proclame maître absolu, et confesse que sa puissance s'étend à toutes choses.
Ou bien encore, il lui ordonne de faire l'offrande prescrite, afin que si plus tard les prêtres avaient l'intention de le chasser, il pût leur dire : « Vous avez accepté mon offrande, comme venant d'un homme parfaitement guéri ; pourquoi donc me chassez-vous aujourd'hui comme lépreux ? »
Au médecin spirituel, il offre une récompense spirituelle ; on reconnaît les services des médecins avec de l'argent ; c'est par la prière qu'on s'acquitte à l'égard de ce divin médecin des âmes, car nous ne pouvons rien offrir à Dieu qui soit plus digne de lui qu'une prière dictée par la foi. Lorsque le lépreux dit à Jésus : « Si vous voulez, » ce n'est pas qu'il doute que la volonté du Sauveur ne soit disposée à toute sorte de bonnes oeuvres ; mais comme la santé du corps n'est pas utile à tous, il ne savait pas si la guérison lui serait avantageuse. Il lui dit donc : « Si vous le voulez, » c'est-à-dire je crois que vous ne pouvez vouloir que ce qui est bon, mais j'ignore si ce que je demande l'est également.
Il pouvait guérir ce lépreux par le seul acte de sa volonté, ou par une seule parole ; cependant il veut y employer les mains et le toucher. « Et ayant étendu la main, il le toucha. » C'est ainsi qu'il fait voir qu'il n'est pas soumis à la loi, et que rien n'est impur pour celui qui est pur lui-même. Élisée au contraire, pour se conformer aux prescriptions de la loi, ne sortit pas de sa demeure pour toucher Naaman, il se contenta de l'envoyer se laver dans le Jourdain. Le Seigneur prouve que ce n'est pas comme serviteur, mais comme maître qu'il touche et guérit ; car sa main ne fut point souillée par l'attouchement de la lèpre, mais le corps souillé de lèpre fut purifié par le contact de cette main si pure. En effet le Sauveur n'est pas venu seulement pour guérir les corps, mais aussi pour conduire les âmes vers la véritable sagesse. De même donc qu'il ne défendait plus de manger sans s'être lavé les mains, de même il nous apprend ici que nous ne devons redouter que la lèpre de l'âme, c'est-à-dire le pêché, et que la lèpre du corps n'est en aucune façon un obstacle pour la vertu.
Notre-Seigneur paraît violer la lettre de la loi, mais il en respecte l'intention. La loi en effet défendait de toucher la lèpre, parce qu'il était impossible que celui qui la touchait ne fût pas atteint de la contagion. Le but de cette défense n'était donc point de mettre obstacle à la guérison du lépreux, mais de garantir de cette maladie contagieuse ceux qui seraient tentés de le toucher. Or le Sauveur en touchant la lèpre n'en fut pas atteint, au contraire il la guérit par ce contact, et par là même il nous apprend qu'il n'y a que la lèpre de l'âme qui soit à craindre.
Personne encore ne l'accuse de toucher un lépreux, car l'envie ne s'était pas encore emparée de ceux qui venaient l'entendre.
S'il l'avait guéri sans parler, qui aurait pu savoir à quelle puissance était due cette guérison ? Notre-Seigneur avait la volonté de guérir, c'était pour le lépreux ; il prononce une parole de guérison, c'est pour ceux qui sont présents : « Je le veux, soyez guéri. »
Nous ne voyons pas que dans les actions les plus éclatantes, le Seigneur ait jamais prononcé ce mot : « Je le veux ; » il l'emploie dans cette circonstance pour affermir l'opinion que le peuple et le lépreux avaient de sa puissance.
La nature obéit à ce commandement avec une respectueuse promptitude, comme l'indiquent les paroles suivantes : « Et aussitôt sa lèpre fut guérie ; » mais ce mot « aussitôt » ne saurait exprimer la rapidité de cette guérison.
Après avoir opéré cette guérison, Jésus défend au lépreux d'en parler à personne. Et Jésus lui dit : « Gardez-vous de parler de ceci à personne. » Quelques-uns prétendent qu'il lui fit cette défense afin que la malignité ne pût s'emparer contre lui de cette guérison, ce qui n'a pas de sens. En effet en guérissant ce lépreux, a-t-il laissé le moindre doute sur sa guérison ? Si donc il lui défend d'en parler, c'est pour nous apprendre à éviter l'ostentation et la vaine gloire. Lors donc qu'il commande à un autre malade qu'il avait guéri de publier sa guérison, c'est pour nous enseigner que nous devons avoir une âme reconnaissante, car ce n'est pas sa propre gloire, mais celle de Dieu, qu'il lui ordonne de publier. Par l'un de ces deux infirmes, le lépreux, il nous apprend donc à fuir la vaine gloire ; par l'autre, à éviter l'ingratitude et à tout rapporter à la gloire de Dieu.
Il ne faut pas entendre ces paroles en ce sens que Moïse ait prescrit cette offrande pour servir de témoignage aux prêtres. Notre-Seigneur dit : « Allez et offrez ce don pour qu'il leur serve de témoignage. »
Il ne la violait pas toujours, de même qu'il ne l'observait pas en toute circonstance ; mais tantôt il en négligeait les prescriptions pour ouvrir la voie à la sagesse de l'avenir, tantôt il les observait pour réprimer les discours insolents des Juifs, et condescendre à leur faiblesse. C'est pour la même raison que nous voyons les apôtres garder quelquefois, et quelquefois laisser de côté les observances de la loi.
Le Sauveur prévoyait qu'ils ne tireraient aucun profit de ce miracle, aussi ne dit-il pas : « Pour les rendre meilleurs, » mais « pour être un témoignage » (c'est-à-dire un chef d'accusation et de preuve) que j'ai fait tout ce que je devais faire. Il a bien prévu en effet qu'ils ne réformeraient pas leur vie, il n'a pas laissé de faire ce qu'il jugeait nécessaire. Mais pour eux ils ont persévéré dans la malice qui leur était propre. Il ne dit pas non plus : « Le don que je prescris, » mais, « le don que prescrit Moïse ; » il les renvoie ainsi de temps en temps à la loi pour fermer la bouche des méchants. Il ne veut pas qu'on puisse dire qu'il a ravi aux prêtres la gloire qui leur appartenait ; il accomplit l'oeuvre de la guérison, mais il leur laisse le soin d'en constater la preuve.
Après la prédication et l'exposé de la doctrine, l'occasion se présente de faire des miracles pour confirmer par leur vertu et par leur éclat les enseignements du Sauveur.
La plupart des interprètes latins unissent ensemble, mais à tort, ces deux mots en leur donnant ce sens : « Je veux guérir ; » il faut les séparer de cette manière : Notre-Seigneur dit d'abord : « Je le veux, » puis il ajoute cette parole de commandement : « Soyez guéri. » En effet le lépreux avait dit : « Si vous le voulez ; » Notre-Seigneur lui répond : « Je le veux ; » il avait dit : « Vous pouvez me guérir ; » le Sauveur répond : « Soyez guéri. »
Et en effet, quelle nécessité de publier de vive voix ce que la guérison de son corps faisait assez connaître ?
Il l'envoie se présenter aux prêtres, premièrement pour lui faire pratiquer l'humilité par cet acte de déférence à leur égard ; secondement pour sauver les prêtres eux-mêmes, s'ils voulaient croire au Sauveur du monde, et les rendre inexcusables s'ils ne voulaient pas croire ; et en même temps pour prévenir le reproche qu'ils lui firent si souvent de violer la loi.
La loi ordonnait à ceux qui avaient été guéris de la lèpre d'offrir des présents aux prêtres. C'est pour cela que Notre-Seigneur ajoute : « Et offrez le don prescrit par Moïse afin qu'il leur serve de témoignage. »
Saint Luc rapporte aussi la guérison de ce lépreux, mais dans un autre endroit. Il suit en cela la méthode des Évangélistes qui placent plus loin dans leur récit ce qu'ils ont omis précédemment, ou qui racontent par anticipation ce qui n'est arrivé que plus tard, suivant en cela l'inspiration divine qui leur faisait écrire de souvenir ce qu'ils avaient appris auparavant.
Le lépreux, au sens moral, signifie le pécheur ; car le péché rend l'âme impure et la couvre de mille plaies. Le pécheur se prosterne aux pieds de Jésus-Christ, lorsqu'il est confus des péchés qu'il a commis ; cependant il doit les confesser, et demander le remède de la pénitence, à l'exemple du lépreux qui découvre ses plaies et en la guérison. Le Seigneur étend la main lorsqu'il accorde le secours de sa divine miséricorde, qui est immédiatement suivi de la rémission des péchés. Le pécheur toutefois ne doit être réconcilié à l'Église que par le jugement du prêtre.
Peut-être sera-t-on surpris de ce que Notre-Seigneur paraît ici approuver le sacrifice prescrit par Moïse et que l'Église n'admet pas ; qu'on se rappelle donc que le Sauveur n'avait pas encore offert par sa passion son corps en holocauste. Or il entrait dans les desseins de Dieu que les sacrifices figuratifs fussent offerts jusqu'au temps où la divinité de celui qu'ils figuraient eût été annoncée par la prédication des Apôtres, et reconnue par la foi de tous les peuples. Or cet homme qui était non-seulement lépreux, mais d'après saint Luc tout couvert de lèpre (Lc 5), est la figure du genre humain ; car tous ont péché et ont besoin de la gloire de Dieu (Rm 3), c'est-à-dire qu'ils ont besoin que le Sauveur étende sur eux la main (par l'incarnation du Verbe de Dieu uni à la nature humaine) pour les guérir des vanités de leurs anciennes erreurs. C'est ainsi qu'après avoir été longtemps un objet d'abomination et d'horreur et rejetés hors du camp du peuple de Dieu, il leur est enfin permis d'entrer dans le temple, et de venir offrir leur corps comme une hostie vivante à celui dont le roi-prophète a dit : « Tu es prêtre pour l'éternité. » (Ps 109).
Il n'était pas seulement Dieu, il était homme aussi, et c'est pourquoi il opérait les miracles par l'intermédiaire du toucher et de la parole, car son corps lui servait comme d'instrument pour l'accomplissement de ces actions toutes divines.
Ou bien encore, par cette montagne sur laquelle le Seigneur s'assied, il faut entendre le ciel dont il est écrit : « Le ciel est mon trône. » Lorsque le Seigneur est assis sur la montagne, ses disciples seuls s'approchent de lui, car avant qu'il se fût revêtu de notre nature fragile, Dieu n'était connu que dans la Judée. Mais lorsqu'il descendit des hauteurs de sa divinité pour prendre les faiblesses de notre humanité, les nations le suivirent en foule. Il apprend ainsi aux docteurs à suivre dans leurs prédications un genre tempéré, et à toujours annoncer la parole de Dieu de la manière qu'ils jugeront plus propre à la faire comprendre. Les docteurs montent sur la montagne lorsqu'ils enseignent aux plus parfaits les préceptes les plus sublimes, et ils en descendent lorsqu'ils développent à ceux qui sont plus faibles, les devoirs plus faciles de la vie chrétienne.
1033. ET [JÉSUS] LUI DIT. Ici, [Jésus] instruit [le lépreux]. En effet, ce serait peu de chose de [le] guérir s’il ne l’instruisait pas, Ps 31[32], 8 : Je te donnerai de comprendre et je t’instruirai. Premièrement, il lui enjoint de se taire : N’EN PARLE À PERSONNE. Chrysostome [écrit] : «Parce qu’il savait que les Juifs le calomniaient pour ce qu’il faisait, il lui dit donc : “N’en parle à personne.”» Ou bien, autre interprétation : parce qu’il dit cela en exemple. En effet, parce qu’il avait enseigné plus haut qu’il fallait cacher ses bonnes œuvres, il donne l’exemple que personne ne doit se glorifier de ses bonnes oeuvres.
1034. Vient ensuite : VA ET MONTRE-TOI AUX PRÊTRES. Et pourquoi [Jésus] dit-il cela ? Parce qu’il avait touché un lépreux, de sorte qu’il ne parût pas avoir désobéi aux lois. [Le lépreux] est envoyé aux prêtres, comme on le trouve en Lv 14, 2 : Et offre ton présent, etc. Pourquoi ? Parce que cela était un précepte de la loi que celui qui était guéri de la lèpre offre deux petits de tourterelles. Mais, d’après cela, il semble que, puisque le Seigneur l’a ordonné, il fallait continuer à le faire. Il faut dire que les figures ne devaient pas cesser avant que la vérité ne soit entièrement manifestée. Mais ceci ne se réalisa qu’après la résurrection.
1035. ET CE SERA UN TÉMOIGNAGE À LEURS YEUX. Et par ceci, [le Seigneur] enseigne que les préceptes de Moïse étaient un témoignage en faveur du Christ, comme on le trouve en Jn 5, 46 : Si vous croyez à Moïse, peut-être croirez-vous en moi. Ou bien autre interprétation : UN TÉMOIGNAGE À LEURS YEUX, c’est-à-dire du fait que tu es guéri. Parce qu’ils auront reçu ton offrande, ils ne pourront nier.
1036. De même, selon le sens mystique, trois choses sont ordonnées par le Christ. [D’abord], qu’il ait honte de son péché, contre ceux dont il est dit en Is 3, 9 : Ils ont annoncé son péché comme s’il s’agissait de Sodome, et ils ne se sont pas cachés. Ainsi, Si 4, 25[21] [dit] : Car il y a une honte qui conduit au péché, et il y a une honte qui conduit à la gloire et à la grâce. De même, il doit SE MONTRER AU PRÊTRE, Jc 5, 16 : Confessez-vous les uns aux autres vos péchés. Et ici, le Seigneur semble enjoindre la confession. Et aussitôt IL FUT GUÉRI, car, par la contrition même, lorsqu’il se repent et se propose de se confesser et de s’abstenir, le péché est remis, selon Ps 31[32], 5 : J’ai dit : «Je confesserai contre moi-même mon injustice, et tu m’as remis l’injustice de mon péché.» De même, est ordonnée la satisfaction, lorsque [Jésus] dit : OFFRE TON PRÉSENT. De même, il enseigne d’observer les commandements, lorsqu’il dit : COMME MOÏSE L’A ORDONNÉ.
1034. Vient ensuite : VA ET MONTRE-TOI AUX PRÊTRES. Et pourquoi [Jésus] dit-il cela ? Parce qu’il avait touché un lépreux, de sorte qu’il ne parût pas avoir désobéi aux lois. [Le lépreux] est envoyé aux prêtres, comme on le trouve en Lv 14, 2 : Et offre ton présent, etc. Pourquoi ? Parce que cela était un précepte de la loi que celui qui était guéri de la lèpre offre deux petits de tourterelles. Mais, d’après cela, il semble que, puisque le Seigneur l’a ordonné, il fallait continuer à le faire. Il faut dire que les figures ne devaient pas cesser avant que la vérité ne soit entièrement manifestée. Mais ceci ne se réalisa qu’après la résurrection.
1035. ET CE SERA UN TÉMOIGNAGE À LEURS YEUX. Et par ceci, [le Seigneur] enseigne que les préceptes de Moïse étaient un témoignage en faveur du Christ, comme on le trouve en Jn 5, 46 : Si vous croyez à Moïse, peut-être croirez-vous en moi. Ou bien autre interprétation : UN TÉMOIGNAGE À LEURS YEUX, c’est-à-dire du fait que tu es guéri. Parce qu’ils auront reçu ton offrande, ils ne pourront nier.
1036. De même, selon le sens mystique, trois choses sont ordonnées par le Christ. [D’abord], qu’il ait honte de son péché, contre ceux dont il est dit en Is 3, 9 : Ils ont annoncé son péché comme s’il s’agissait de Sodome, et ils ne se sont pas cachés. Ainsi, Si 4, 25[21] [dit] : Car il y a une honte qui conduit au péché, et il y a une honte qui conduit à la gloire et à la grâce. De même, il doit SE MONTRER AU PRÊTRE, Jc 5, 16 : Confessez-vous les uns aux autres vos péchés. Et ici, le Seigneur semble enjoindre la confession. Et aussitôt IL FUT GUÉRI, car, par la contrition même, lorsqu’il se repent et se propose de se confesser et de s’abstenir, le péché est remis, selon Ps 31[32], 5 : J’ai dit : «Je confesserai contre moi-même mon injustice, et tu m’as remis l’injustice de mon péché.» De même, est ordonnée la satisfaction, lorsque [Jésus] dit : OFFRE TON PRÉSENT. De même, il enseigne d’observer les commandements, lorsqu’il dit : COMME MOÏSE L’A ORDONNÉ.
Avant de se retirer,
Jésus fait à celui qu’il vient de guérir deux recommandations qui nous surprennent tout d’abord. La première
contient une défense, la seconde un ordre. - Garde-toi d'en parler. C’est la défense ; nous l’entendrons
maintes fois par la suite, à l’occasion de miracles semblables. Cf. Matth. 3, 12 ; 5, 43 ; 7, 86 ; 8, 26, etc. ;
Luc. 8, 56 ; 9, 21. On a déterminé en sens très différents les motifs qui ont porté Jésus à l’imposer à un
certain nombre des malades qu’il guérissait. Voir Maldonat in h.l. S. Marc indique pourtant d'une manière
bien claire la vraie raison de cette prohibition, lorsqu'il ajoute à la suite des paroles de Notre-Seigneur :
« Une fois parti, le lépreux commença à prêcher et à répandre la parole, de sorte qu’il (Jésus) ne pouvait pas
entrer ouvertement dans une ville, mais il se tenait loin, dans les lieux déserts, et on accourrait vers lui de
partout ». Cf. Luc. 5, 15. En s’opposant à ce qu’on proclamât à son de trompe les prodiges de guérison qu’il
opérait, Jésus voulait donc éviter de surexciter les esprits et d’occasionner par là-même les agitations
messianiques qui tendaient à se produire après ses miracles, Cf. Joan. 6, 14, 15. En provoquant, quoique
malgré lui, l’enthousiasme des foules à cette époque de son ministère, il craignait de nuire à son œuvre, soit
en paraissant se prêter aux espérances profanes et politiques associées par ses compatriotes au nom du
Messie, soit en développant trop tôt et trop vivement la jalousie de ses ennemis ; plus tard, quand son heure
sera venue, il cessera de s’opposer à la divulgation de ses prodiges. Pour le moment, il veut pratiquer
lui-même le premier ce qu’il a enseigné par rapport aux bonnes œuvres : « Il donne cela comme un exemple,
car il avait enseigné plus haut de cacher les bonnes œuvres », S. Thomas. - Plusieurs commentateurs, entre
autres Olshausen, Stier, Bisping, etc., croient que cette recommandation du Sauveur était faite en outre dans
l’intérêt personnel du miraculé. Ils s’appuient, pour le prouver, sur ce que Jésus donnait parfois à ceux qu’il
avait guéris un ordre entièrement opposé, Cf. Marc. 5, 19, ou bien sur ce que les miracles dont il interdisait la
publication avaient eu des foules considérables pour témoins. Le divin Maître se serait donc alors proposé de
faire rentrer en lui-même le malade miraculeusement rendu à la santé, de l’engager à ne pas faire parade de
sa guérison surnaturelle, mais à en remercier Dieu par une vie plus fervente. - Nous voyons, d’après S. Marc,
que le lépreux n’eut rien de plus pressé que d’aller raconter le prodige dont il venait d’être l’objet. - Va,
montre-toi au prêtre... Par ces mots, Jésus-Christ ordonne deux choses au lépreux ; il devra en premier lieu
se présenter au prêtre du district pour en obtenir une déclaration de guérison complète. La lèpre faisant
contracter une souillure légale, les prêtres étaient naturellement constitués les juges de son apparition et de sa
cessation. - En second lieu, le miraculé devra offrir le don que Moïse a prescrit. C’était un sacrifice
proprement dit, qui consistait pour les riches en une brebis d’un an et deux agneaux, pour les pauvres en un
seul agneau accompagné de deux tourterelles. Cf. Lev. 14, 10, 21, 22 : on trouvera dans ce passage
d’intéressants détails sur la manière dont ces différentes victimes devaient être immolées et offertes au
Seigneur, comme aussi sur les cérémonies qui accompagnaient la réintégration du lépreux dans tous ses
droits de citoyen. En somme, Jésus prescrit au lépreux d’agir comme s’il avait été guéri d’après les lois
ordinaires de la nature. - Cela leur serve de témoignage : cette dernière parole a reçu des interprétations très
discordantes. En témoignage de quoi ? se sont demandé les exégètes. Les uns ont répondu avec S. Jean
Chrysostôme, qu’en agissant selon qu’il lui était prescrit, le lépreux témoignerait du respect de Jésus pour la
Loi mosaïque. Les autres ont dit, - et leur sentiment nous paraît beaucoup plus probable, - qu’il n’est pas
question d’une chose si relevée, mais simplement d’attester la guérison du malade. Le pronom « leur » a
occasionné une seconde discussion. Désigne-t-il les prêtres ou bien le peuple ? On peut le rattacher à
« prêtre », bien que ce nom soit au singulier, en admettant l’emploi d’une figure de style fréquente dans la
Bible et dans les ouvrages classiques ; alors, le sens sera : Ton offrande, portée à Jérusalem, prouvera aux
prêtres que tu es guéri ; ou bien selon d’autres : Elle leur prouvera ma puissance miraculeuse, et tu seras
toi-même un témoignage vivant contre eux, s’ils refusent d’y croire. « Pour qu’ils soient inexcusables de ne pas croire en lui, les prêtres qui avaient vérifié ses miracles », Maldonat. On peut aussi rattacher « leur » au
nom collectif « personne », ce qui donne le sens suivant que nous croyons préférable : Ton sacrifice, reçu par
les prêtres, sera en quelque sorte ton certificat authentique de guérison pour tes compatriotes, qui te
restitueront tes droits à la vie commune.
En témoignage pour eux ; c’est-à-dire afin que ce soit pour eux un témoignage et une preuve incontestable de ma puissance et de ma fidélité à faire observer la loi. ― Le mot eux peut signifier par hébraïsme : à chacun des prêtres, ou bien : à la foule du peuple dont il est parlé au premier verset.
Loin d’avoir été hostile au Temple (cf. Mt 8, 4 ; 23, 21 ; Lc 17, 14 ; Jn 4, 22) où il a donné l’essentiel de son enseignement (cf. Jn 18, 20), Jésus a voulu payer l’impôt du Temple en s’associant Pierre (cf. Mt 17, 24-27) qu’il venait de poser comme fondement pour son Église à venir (cf. Mt 16, 18). Plus encore, il s’est identifié au Temple en se présentant comme la demeure définitive de Dieu parmi les hommes (cf. Jn 2, 21 ; Mt 12, 6). C’est pourquoi sa mise à mort corporelle (cf. Jn 2, 18-22) annonce la destruction du Temple qui manifestera l’entrée dans un nouvel âge de l’histoire du salut : " L’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père " (Jn 4, 21 ; cf. Jn 4, 23-24 ; Mt 27, 51 ; He 9, 11 ; Ap 21, 22).