Matthieu 9, 15

Jésus leur répondit : « Les invités de la noce pourraient-ils donc être en deuil pendant le temps où l’Époux est avec eux ? Mais des jours viendront où l’Époux leur sera enlevé ; alors ils jeûneront.

Jésus leur répondit : « Les invités de la noce pourraient-ils donc être en deuil pendant le temps où l’Époux est avec eux ? Mais des jours viendront où l’Époux leur sera enlevé ; alors ils jeûneront.
Saint Thomas d'Aquin
1127. ET JÉSUS LEUR DIT. Ici, Jésus répond, et de manière subtile. Premièrement, il donne la cause de son point de vue ; ensuite, du point de vue des apôtres.

1128. À propos du premier point, il fait deux choses : premièrement, il précise le moment de manger [9, 15] ; deuxièmement, le moment de jeûner, en cet endroit : VIENDRONT DES JOURS OÙ L’ÉPOUX LEUR SERA ENLEVÉ, ET ALORS ILS JEÛNERONT [9, 15].

1129. [Jésus] dit donc : LES COMPAGNONS DE L’ÉPOUX PEUVENT-ILS PLEURER LORSQUE L’ÉPOUX EST AVEC EUX ? Alors que [Matthieu] dit : PLEURER, un autre dit : JEÛNER. Bien que le jeûne comporte une certaine joie spirituelle, toutefois, comme on le lit dans He 12, 11 : Toute correction, sur le moment, ne paraît pas être un sujet de joie, mais de tristesse. Ainsi, il s’agit d’un jeûne [qui entraîne] une joie spirituelle, comme on lit dans Dn 9, 3 : J’ai décidé de tourner mon visage vers mon Dieu pour le prier, pour le supplier par le jeûne, le sac et la cendre. De même, s’agit-il [d’un jeûne] de deuil et d’affliction, parfois en raison des douleurs. Le Seigneur répond sur les deux points. En effet, l’époux est le Christ : celui qui a l’épouse est l’époux. Lui-même, en effet, est l’époux de l’Église entière, et [aussi] son origine. La loi ancienne et la loi nouvelle ont eu une origine différente, car la loi ancienne a pris origine de la crainte, et la loi nouvelle, de l’amour. Ainsi, en Rm 8 15 : En effet, vous n’avez pas reçu de nouveau un Esprit d’esclavage dans la crainte, mais vous avez reçu l’Esprit d’adoption des fils de Dieu. He 12, 22 : Vous êtes parvenus au mont Sion et à la cité du Dieu vivant, Jérusalem. Ainsi donc, parce que l’origine de la loi nouvelle se trouve dans l’amour, [Jésus] devait nourrir ses disciples d’un certain amour. C’est pourquoi il s’appelle l’époux, et [appelle] ses disciples, les compagnons de l’époux, car ce sont là des noms d’amour. Ainsi, «il est bon que je les garde ; je ne veux donc pas leur imposer quelque chose de lourd, de crainte qu’ils n’aient de l’aversion et ne s’éloignent à cause de cela». Et semblablement, ceux qui sont nouveaux dans les ordres religieux ne doivent pas être écrasés. C’est pourquoi Ambroise, dans le Livre sur les similitudes, reprend ceux qui chargent lourdement les novices. Et c’est cela que dit le Christ : LES COMPAGNONS DE L’ÉPOUX PEUVENT-ILS PLEURER, etc. ? comme s’il disait : «Il ne faut pas qu’ils jeûnent, mais qu’ils vivent plutôt dans une certaine douceur et dans l’amour, afin qu’ils accueillent ainsi ma loi dans l’amour», comme on lit en Rm 6, 4 : Comme le Christ est ressuscité des morts pour la gloire du Père, de même devons-nous avancer dans une vie nouvelle. C’est pourquoi de Pâques à la Pentecôte on ne jeûne pas, car l’Église célèbre alors la nouveauté de la loi.

1130. VIENDRONT LES JOURS, etc. Et cela, à la lettre. VIENDRONT LES JOURS, lorsque, par vos soins, L’ÉPOUX LEUR SERA ENLEVÉ, ET ALORS ILS JEÛNERONT. Et [Jésus] leur prédit cela lorsqu’il dit, Jn 16, 20 : Vous pleurerez, mais le monde se réjouira. En effet, ceux qui ont vécu avant le Christ ont désiré la présence du Christ, tels Abraham, Isaïe et les autres prophètes. De même, après sa mort, [sa présence] fut désirée par les apôtres. C’est pourquoi Pierre fut comme continuellement attristé de l’absence du Christ ; et Paul disait : Je désire disparaître et être avec le Christ [Ph 1, 23]. Ainsi, c’était alors le temps de jeûner. Une autre raison pour laquelle ils ne sont pas tenus de jeûner en la présence [du Christ] est qu’il faut choisir de jeûner parce que [le jeûne] châtie la chair pour qu’elle ne s’élève pas contre l’esprit. Mais, alors que [Jésus] était présent, il les gardait de l’excès. C’est pourquoi il n’était pas nécessaire qu’ils jeûnent, selon Jn 17, 12 : Père, alors que j’étais avec eux, je les protégeais. Mais Jean Baptiste n’avait pas cette puissance. C’est pourquoi ses disciples devaient jeûner. Mais lorsque le Christ fut enlevé, il devint nécessaire que [les disciples] jeûnent, selon ce que dit Paul, 1 Co 9, 7 : Je châtie mon corps et le soumets à la servitude, etc.
Louis-Claude Fillion
La réponse ne se fait pas attendre : elle est tout à fait péremptoire, mais elle est aussi pleine de bonté, car c’est avec la plus grande douceur que Jésus condescend à indiquer les motifs de sa conduite et de celle de ses disciples. Je vis avec les malades, avait-il dit aux Pharisiens, parce que je suis le médecin. Mes disciples ne sauraient actuellement jeûner, répond-il aux Joannites, parce que des convenances de divers genres s’opposent pour le moment à ce qu’ils se livrent trop à la pénitence extérieure. Ces convenances sont exposées de la façon la plus gracieuse sous la forme de trois comparaisons familières. - Première comparaison : Les amis de l'époux peuvent-ils... Les Juifs appelaient « fils du fiancé », plus correctement d’après le texte grec, « fils de la chambre nuptiale », ou « amis du fiancé », Joan.3, 29, les jeunes gens choisis par l’époux pour aller chercher la fiancée le jour du mariage, et pour la conduire processionnellement de la maison de ses parents à celle de son futur maître et seigneur. Ils assistaient ensuite à toutes les réjouissances des noces, qui duraient ordinairement sept jours. Leur nom classique était « Paranymphes » chez les Grecs. - Être dans le deuil, les deux autres Évangélistes disent « jeûner », mais cela revient au même. S. Matthieu indique la cause, S. Marc et S. Luc l’effet. On ne jeûne pas sans raison ; on jeûne moins encore lorsqu’on est dans la joie. Le jeûne présuppose toujours quelque tristesse intérieure ou extérieure. L’application se fait maintenant d’elle-même : Jésus est le divin fiancé descendu sur la terre pour célébrer son mariage mystique avec l’Église, les Apôtres lui servent de paranymphes spirituels, qui lui conduisent les âmes auxquelles il désire s’unir ; serait-il convenable de les condamner au jeûne, à d’incessantes mortifications, durant le temps joyeux des noces et tandis que l’époux est auprès d’eux visiblement, d’une manière sensible ? Non, il y aurait là un contre-sens manifeste. - Mais il n’en sera pas toujours ainsi : Les jours viendront, jours plus nombreux que les disciples eux-mêmes ne le soupçonnaient alors. - L'époux leur sera enlevé ; le verbe grec plus expressif encore que le verbe latin, désigne un enlèvement violent, douloureux, du fiancé, c’est-à-dire la passion et la mort de Jésus. - Et alors ils jeûneront. Après cette pénible séparation commencera une ère d’épreuves, de persécutions, de tristesses profondes pour les Apôtres, et ils trouveront dans leurs peines incessantes le motifs de jeûnes légitimes et nombreux : en attendant, qu’on les laisse à la joie ! Cet « enlèvement » dure encore, malgré les affirmations contraires des protestants, qui seraient heureux de pouvoir le restreindre aux derniers jours de la vie du Sauveur, pour attaquer ensuite librement les jeûnes institués par l’Église catholique. Et il durera jusqu’à la fin du monde ; car alors seulement aura lieu d’une manière définitive la solennité des noces de l’Agneau, bien qu’elle ait été inaugurée à l’époque du premier avènement du Christ. Jusque-là, le céleste fiancé nous est ravi, nous pouvons même le perdre totalement ; il y a donc des motifs sérieux de tristesse et de jeûne. - Cette raison de convenance, ainsi développée par Jésus, obtient une force toute nouvelle si l’on se rappelle que S. Jean-Baptiste, dans le dernier témoignage qu’il rendit au Messie, le compare précisément à un fiancé, Cf. Joan. 3, 29. « Jésus tint grand compte de ce témoignage de Jean, et il a voulu s’en servir tacitement surtout parce qu’il parlait aux disciples de Jean, auprès desquels le témoignage de leur maître était d’un grand poids. C’est pourquoi, il répond à leur question en les instruisant avec la doctrine de leur maître, et les invite à croire en lui », Estius, Annotat. in h. l. L’image d’un mariage spirituel convenait au reste d’autant mieux pour exprimer les rapports de Jésus-Christ et de l’Église que plusieurs fois, dans l’Ancien Testament, Jéhova s’était déjà comparé à un époux à l’égard d’Israël, Cf. Os. 2, 19, 20 ; Is. 54, 5, etc.
Fulcran Vigouroux
Les fils de l’époux, pour les amis et les compagnons de l’époux ; hébraïsme. ― Les amis de l’époux étaient chargés de faire tous les préparatifs des noces et prenaient part ensuite aux fêtes du mariage qui duraient ordinairement sept jours.