Matthieu 9, 18

Tandis que Jésus leur parlait ainsi, voilà qu’un notable s’approcha. Il se prosternait devant lui en disant : « Ma fille est morte à l’instant ; mais viens lui imposer la main, et elle vivra. »

Tandis que Jésus leur parlait ainsi, voilà qu’un notable s’approcha. Il se prosternait devant lui en disant : « Ma fille est morte à l’instant ; mais viens lui imposer la main, et elle vivra. »
Saint Thomas d'Aquin
1134. [Matthieu] a présenté les miracles par lesquels sont apportés des remèdes aux dangers du péché ; ici, il présente [les miracles] par lesquels sont apportés des remèdes aux dangers de mort. Et cela est divisé en deux parties : en premier lieu, il raconte comment [Jésus] a redonné la vie [9, 19-26] ; en second lieu, comment [il a redonné] les fonctions de la vie, en cet endroit : COMME JÉSUS S’EN ALLAIT DE LÀ [9, 27s].

1135. À propos du premier point, l’invitation à faire un miracle est d’abord présentée ; deuxièmement, [est présentée] une indication, en cet endroit : VOICI QU’UNE FEMME, etc. [9, 20] ; troisièmement, [est présentée] la préparation du miracle, en cet endroit : MAIS QUAND ON EUT CHASSÉ LA FOULE [9, 25].

1136. À propos du premier point, [Matthieu] fait quatre choses. En premier lieu, le moment de l’invitation est décrit ; deuxièmement, la personne qui invite ; troisièmement, l’invitation ; quatrièmement, l’acceptation de l’invitation.

1137. [Matthieu] dit donc : TANDIS QU’IL PARLAIT, c’est-à-dire, dans la maison de Matthieu. Mais il y a une objection, car Marc et Luc présentent [les choses] dans un autre ordre, à savoir que [le chef de la synagogue] s’approcha de Jésus après qu’il eut traversé. Augustin donne la solution : lorsque, chez les évangélistes, est mentionné quelque chose qui se rapporte au moment, s’il est indiqué que cela [se passait] immédiatement, cela indique l’ordre de l’histoire. Ainsi, lorsqu’on dit ici : TANDIS QU’IL PARLAIT, l’ordre de l’histoire est indiqué. Mais, chez Marc et chez Luc, on s’en rapporte à l’ordre dans lequel ils se sont souvenus. Ou bien on peut dire qu’il y eut un endroit intermédiaire où ceci se produisit. En effet, parfois [les évangélistes] ne disent pas si une chose s’est passée aussitôt après ou quand [elle s’est passée].

1138. Vient ensuite : VOICI QU’UN CHEF. Ici est présentée la personne qui invite, à savoir, le chef de la synagogue, et Jaïre veut dire «éclairant» ou «illuminé», Gn 23, 6 : Le prince de Dieu est parmi nous. Vient ensuite l’invitation, et [le chef] fit deux choses : premièrement, il manifesta du respect, car il S’APPROCHA en personne ; de plus, IL SE PROSTERNA. De même, il confesse le pouvoir [de Jésus], car il dit : SEIGNEUR. Ce chef signifie les pères anciens, car ceux-ci se sont approchés par le désir et se sont prosternés en croyant que le Christ allait venir, Ps 131[132], 7 : Nous nous prosternerons à l’endroit où ses pieds se sont posés. De même, ils confessaient : Sachez que le Seigneur lui-même est Dieu ; Ps 99[100], 3.

1139. Vient ensuite le danger : MA FILLE VIENT DE MOURIR. On trouve le contraire en Lc 8, 41 et en Mc 5, 22, car il est dit en cet endroit : Ma fille se meurt. Et alors qu’ils faisaient route, des serviteurs vinrent à leur rencontre, etc. Augustin donne la solution : lorsque ce Jaïre était parti, elle était déjà à la dernière extrémité et il croyait qu’il ne la retrouverait pas vivante ; c’est pourquoi il demanda plutôt [à Jésus] de venir pour la ressusciter que pour la guérir. Ainsi, [le chef] dit : MA FILLE VIENT DE MOURIR, etc., comme s’il disait : «Je crois qu’elle est déjà morte.» Les autres [Marc et Luc] ont raconté ce qui est arrivé, mais Mathieu s’en rapporte à l’intention. Ainsi, Augustin donne le bon enseignement qu’«il n’est pas nécessaire que les mêmes paroles soient rapportées, mais qu’il suffit que seule l’intention soit formulée».

1140. Mais pourquoi les serviteurs dirent-ils : NE DÉRANGE PAS LE MAÎTRE ? Il semble que ceci ait été un manque de foi. Il faut dire que cela serait vrai s’ils avaient exprimé l’intention du maître ; mais ils ne connaissaient pas son intention. Chrysostome l’interprète ainsi : «Certains ont coutume d’exagérer le mal, lorsqu’ils veulent susciter la compassion.» Ainsi, afin d’émouvoir [Jésus] davantage, [le chef] dit : ELLE EST MORTE. Cette fille est la synagogue, qui est la fille du chef, à savoir, Moïse, qui est morte à cause de son infidélité, Lc 19, 42 : Maintenant est cachée à tes yeux, etc. Mais il semble y avoir de la foi mêlée à l’infidélité, car le fait qu’il croyait qu’elle ressusciterait relevait de la foi, mais le fait qu’il croyait que [Jésus] ne pourrait pas [la ressusciter], s’il était absent, relevait de l’infidélité. Ainsi, ce [chef] paraît ressembler à Naaman, qui disait : Je pensais qu’il viendrait vers moi et que, debout, il invoquerait le nom de son Dieu, et qu’il toucherait de sa main l’endroit couvert de lèpre et me guérirait, etc., 4 R [2 R] 5, 11. MAIS VIENS, IMPOSE-LUI TA MAIN, ET ELLE VIVRA. Au sens mystique, ceci indique le désir qu’avaient les pères de la venue du Christ ; ainsi, ils disaient : VIENS, IMPOSE TA MAIN. Il s’agit du Christ, comme dans Ps 143[144], 7 : Étends ta main d’en haut.
Louis-Claude Fillion
Tandis qu'il leur disait cela. Nous avons déjà fait observer, Voir, v. 10, que S. Marc et S. Luc ont adopté ici une liaison des faits très différente de celle qui existe dans le premier évangile. Suivant eux, les deux miracles que nous étudions en ce moment n’auraient eu lieu qu’après les retour de Gadara, arrangement qui nous paraît beaucoup plus vraisemblable. Divers auteurs préfèrent néanmoins l’enchaînement proposé par S. Matthieu. Sur plusieurs points de ce genre, il est impossible de se prononcer avec une parfaite certitude. - La narration de S. Matthieu est de nouveau la plus courte des trois, mais il s’en faut bien qu’elle soit la plus précise : ce n’est qu’un sommaire incomplet des événements. - Un chef de synagogue s'approcha. Il existe à propos de ces mots de nombreuses variantes aussi bien dans les éditions que dans les manuscrits du texte grec. La leçon suivie par la Vulgate, nous paraît la meilleure de toutes. Les deux autres synoptiques nous font un peu mieux connaître le « chef » qui nous apparaît tout à coup aux genoux du Sauveur : il se nommait Jaïre et présidait une des synagogues de Capharnaüm. Peut-être avait-il fait partie, à ce titre, de la députation qui était venue, peu de temps auparavant, Cf. Luc. 7, 3, plaider auprès de Jésus la cause du centurion païen ; mais aujourd’hui c’est pour lui-même qu’il intercède. - Se prosterna ; par ce geste du plus profond respect, il exprime déjà sa demande : il l’exprimera mieux encore par quelques paroles entrecoupées, suppliantes. - Ma fille : c’était sa fille unique et elle était alors âgée d’environ douze ans ; Cf. Luc. 8, 42. - Est morte. Ces mots, s’ils sont exacts, mettent le premier synoptique en contradiction avec les deux autres. En effet, d’après S. Marc et S. Luc, la jeune fille vivait encore à ce moment, et Jaïre n’apprit sa mort qu’un peu plus tard, lorsque Jésus était arrivé auprès de sa maison. On a proposé divers moyens pour résoudre cette difficulté. S. Jean Chrysostôme, Hom. 31, in Matth., suppose que le pauvre père ou bien croyait réellement que sa fille, qu’il venait de laisser agonisante, avait rendu le dernier soupir depuis son départ, ou bien exagérait à dessein afin d’exciter plus sûrement la pitié de Jésus. Mais cela n’est guère probable, puisque S. Marc, 5, 23, lui fait dire positivement au divin Maître : « Ma fille est à l’extrémité ». D’autres pensent que Jaïre, dans le doute si son enfant vivait encore, aurait employé successivement les deux formules : « Seigneur, ma fille est à l’agonie..., elle est morte ; venez donc... ». D’autres encore (Kuinœl, Wahle, Rosenmüller, etc.), traduisent le parfait par le présent : Ma fille se meurt, croyant pouvoir s’autoriser de l’exemple de S. Luc, qui annonce seulement vers la fin de l’épisode, 8, 49, que la malade venait de mourir. Toutes ces solutions peuvent avoir du bon ; mais aucune d’elles ne fait disparaître foncièrement la difficulté. Il est beaucoup plus juste de dire, comme on le fait du reste généralement, que S. Matthieu, voulant simplement esquisser le miracle sans entrer dans l’exposé des détails, s’est permis de modifier lui-même les paroles de Jaïre, afin de pouvoir ensuite passer sur les circonstances intermédiaires et aller tout droit pour placer le lecteur immédiatement au milieu de l'action, Cf. Corn. à Lapide in h. l. Nous avons été récemment témoins d’une abréviation semblable qui avait causé une difficulté du même genre, 8, 5. - Mais venez ; venez quand même ! - Imposez votre main... Jaïre sait que Jésus a opéré de cette manière plusieurs guérisons ; d’ailleurs l’imposition des mains est un geste naturel pour exprimer la communication des grâces divines, Cf. Hebr. 6, 2 ; Act. 6, 6. - Et elle vivra ; il est sûr à l’avance du résultat, pourvu que le Thaumaturge consente à l’accompagner jusqu’auprès de sa fille moribonde.
Fulcran Vigouroux
Un chef de synagogue ; c’est ainsi que cet homme est qualifié dans saint Marc et dans saint Luc. ― Son nom était Jaïre.