Matthieu 9, 8

Voyant cela, les foules furent saisies de crainte, et rendirent gloire à Dieu qui a donné un tel pouvoir aux hommes.

Voyant cela, les foules furent saisies de crainte, et rendirent gloire à Dieu qui a donné un tel pouvoir aux hommes.
Saint Hilaire de Poitiers
Il y a une signification mystérieuse dans la conduite de Jésus revenant dans sa ville, après avoir été rejeté par la Judée. La cité de Dieu, c'est le peuple fidèle ; Jésus-Christ y est entré porté par une barque, c'est-à-dire par son Église.

La personne du paralytique est la figure de l'universalité des nations dont on demande la guérison ; ce paralytique est présenté au médecin par le ministère des anges, parce qu'il est l'oeuvre de Dieu ; il lui remet les péchés dont la loi ne pouvait le délivrer, parce que la foi seule justifie le pécheur. Il est une preuve des merveilleux effets de la résurrection, car en emportant son lit il nous apprend que notre corps sera un jour affranchi de toute infirmité.

La foule, à la vue de ce miracle, fut saisie de crainte ; en effet, c'est un grand sujet d'effroi de tomber entre les mains de la mort avant que Jésus-Christ nous ait pardonné nos péchés, car sans ce pardon il n'y a point de retour possible dans notre éternelle demeure. Lorsque cette crainte vient à cesser, on rend gloire à Dieu de ce que par le moyen de son Verbe il a donné aux hommes le pouvoir de remettre les péchés, de ressusciter les corps et de rouvrir les portes du ciel. 
Saint Jean Chrysostome
Notre-Seigneur Jésus-Christ a montré précédemment sa puissance par sa doctrine, lorsqu'il enseignait comme ayant autorité ; dans la guérison du lépreux qu'il guérit par ces seules paroles : " Je le veux, soyez guéri ; " dans la personne du centurion qui lui dit : " Seigneur, dites seulement une parole et mon serviteur sera guéri ; " sur la mer, dont il a enchaîné d'un seul mot la fureur, et sur les démons qui ont confessé sa divinité. Ici par une nouvelle et plus grande manifestation de sa puissance, il force ses ennemis de reconnaître qu'il est l'égal de son Père en dignité. C'est ce que nous lisons dans le passage suivant : " Et Jésus, étant monté dans une barque, traversa la mer, et vint en sa ville. " C'est dans une barque qu'il traverse le lac, bien qu'il pût le traverser à pied ; mais il ne voulait pas faire continuellement des miracles pour ne pas détruire la divine économie de son incarnation.

L'Évangéliste appelle Capharnaüm la ville du Sauveur ; car il y avait la ville où il était né, qui était Bethléem ; celle où s'étaient écoulées ses premières années, Nazareth, et la ville dont il fit ensuite son séjour ordinaire, c'est-à-dire Capharnaüm.

Ce paralytique n'est pas celui dont parle saint Jean (Jn 5) ; car celui-là était étendu dans la piscine, celui-ci se trouvait à Capharnaüm. Le premier n'avait personne pour le servir ; le second recevait les soins de plusieurs personnes qui l'apportèrent aux pieds de Jésus.

Jésus n'exige pas toujours la foi des malades qui demandent leur guérison, par exemple, lorsqu'ils ont perdu la raison, ou que leur âme est absorbée par l'excès de la douleur ; c'est pour cela que 1'Évangéliste ajoute : " Or, Jésus voyant leur foi, " etc.

Pour récompenser cette foi si grande, il fait éclater lui-même sa puissance, et par la plénitude de son pouvoir il remet les péchés au paralytique en lui disant : " Ayez confiance, mon fils, vos péchés vous sont remis. "

On peut dire aussi que la foi de cet homme était grande, car s'il n'avait pas eu la foi, il n'aurait jamais permis qu'on le descendit par le toit, comme le rapporte un autre Évangéliste. (Mc 2 ; Lc 5.)

Les scribes, en cherchant à diffamer le Sauveur, ne firent, contre leur volonté, que mettre dans un plus grand jour le miracle qu'il avait opéré, car Jésus se servit de leur jalousie pour le rendre plus éclatant ; c'est là, en effet, un des traits de cette inépuisable sagesse, de faire servir la malice de ses ennemis à la manifestation de ses prodiges. C'est ce que l'Évangéliste rapporte en ces termes : " Et voilà que quelques scribes dirent en eux-mêmes : Cet homme blasphème. "

Jésus ne détruisit pas le soupçon qu'ils avaient, que c'était comme Dieu qu'il disait : " Vos péchés vous sont remis. " S'il n'était pas l'égal de Dieu son Père, il devait dire : Je suis loin d'avoir la puissance de remettre les péchés. Loin de là, il établit le contraire et par ses paroles, et par le prodige qu'il opère. Il ajoute donc : " Qu'est-il plus facile de dire : Vos péchés vous sont remis, ou de dire : Levez-vous et marchez ? " Plus l'âme est supérieure au corps, plus aussi la guérison de l'âme par la rémission des péchés, l'emporte sur la guérison du corps. Mais ce dernier prodige étant visible, tandis que le premier ne l'est pas, Jésus l'opère quoiqu'il soit moindre, pour rendre certain le premier qui est moins évident.

Il ne dit pas tout d'abord au paralytique : " Je vous remets vos péchés ; " mais " Vos péchés vous sont remis. " Or, comme les scribes se récriaient, il leur révèle qu'il a une puissance plus élevée, et leur déclare " que le Fils de l'homme a le pouvoir de remettre les péchés ; " et comme preuve qu'il est égal à son Père, il ne dit pas que le Fils de l'homme a besoin d'un secours étranger pour remettre les péchés, mais qu'il a lui-même ce pouvoir.

Jésus lui donne cet ordre afin que l'on ne prenne pas pour une simple apparence la guérison qu'il vient d'opérer, et c'est pour en démontrer la vérité que l'Évangéliste dit : " Il se leva et il alla dans sa maison. " Et cependant ceux qui en furent témoins se traînent encore dans des idées tout humaines. " Et le peuple voyant cela, " etc. Si leurs pensées avaient été justes et droites, est-ce qu'ils n'auraient pas dû reconnaître que Jésus était le Fils de Dieu ? Toutefois c'était déjà quelque chose que de le regarder comme supérieur à tous les hommes, et comme l'envoyé de Dieu.
Saint Jérôme
Ou bien il ne faut entendre par la ville du Christ que la ville de Nazareth, d'où lui est venu le nom de Nazaréen.

On le lui présenta sur un lit, car il était impossible à cet homme de marcher.

Non pas la foi du paralytique qu'on lui présentait, mais la foi de ceux qui le lui présentaient.

Admirable humilité ! Jésus appelle son fils un homme délaissé, infirme, anéanti dans tous ses membres, et que les prêtres dédaignent de toucher. Il peut encore l'appeler justement son fils, parce qu'il lui a remis ses péchés. Nous pouvons apprendre par là que presque toutes les maladies sont la suite des péchés ; et si Jésus commence par remettre les péchés à cet homme, c'est afin que la santé lui soit plus facilement rendue lorsqu'il aura fait disparaître les causes de la maladie.

Nous lisons dans le Prophète (Is 43, 25) : " C'est moi qui efface toutes vos iniquités. " D'après ces paroles, les scribes, qui ne voyaient dans Jésus qu'un homme, et qui ne comprenaient pas la portée des oracles divins, l'accusent de blasphème. Mais le Seigneur, en dévoilant leurs pensées, leur prouve qu'il est le Dieu qui seul peut connaître le secret des coeurs, et son silence semble leur dire : En vertu de la même puissance qui me fait pénétrer vos pensées, je puis remettre aux hommes leurs péchés ; comprenez par vous-mêmes ce que je puis faire pour ce paralytique. C'est ce que signifient ces paroles : " Et Jésus ayant vu leurs pensées, leur dit : Pourquoi pensez-vous du mal dans vos coeurs ? "

Celui-là seul qui remettait les péchés savait s'ils étaient remis au paralytique. Mais quant à l'effet de ces paroles : " Levez-vous et marchez, " chacun pouvait en juger, celui qui se levait comme ceux qui le voyaient. Quoiqu'il appartienne à la même puissance de guérir les infirmités du corps et de l'âme ; il y a cependant une grande différence entre dire et faire. Le Sauveur fait donc un miracle extérieur comme preuve de celui qu'il opère à l'intérieur. " Or, ajoute-t-il, afin que vous sachiez que le Fils de l'homme a sur la terre ce pouvoir de remettre les péchés. "

Dans le sens tropologique, on peut voir ici l'image d'une âme qui vit sans force au milieu de son corps, après avoir perdu toutes ses vertus, et que l'on présente au Seigneur, le docteur consommé, pour être guérie. Tout homme atteint de cette maladie doit intéresser à son état ceux qui peuvent demander à Dieu sa guérison, et à l'aide de la doctrine céleste rendre la force à ses pas chancelants. Souffrons donc que les conseillers de notre âme l'élèvent vers les choses supérieures, malgré la langueur où la retient la faiblesse de son corps mortel.
Jean, Évêque de Jérusalem
Le Créateur de toutes choses, le Maître de l'univers ayant résolu de se resserrer pour nous dans les limites étroites de la chair, voulut avoir une patrie sur la terre, être citoyen d'une ville juive ; lui de qui vient toute paternité, toute parenté, voulut avoir ici-bas des parents, afin d'attirer à lui par l'amour ceux que la crainte en avait éloignés.

Quel prix n'a pas auprès de Dieu la foi personnelle, puisqu'une foi étrangère en a eu un si grand à ses yeux qu'il accorde à cet homme la guérison de son âme et de son corps ? Le paralytique entend le pardon qui lui est accordé, et il se tait, aucune parole de reconnaissance ; la guérison de son corps le préoccupait beaucoup plus que celle de son âme. C'est donc avec raison que Jésus-Christ considéra la foi de ceux qui le portaient plutôt que l'insensibilité du paralytique lui-même.

Afin que ce qui a été la preuve de sa maladie devienne un témoignage de sa guérison. " Et allez dans votre maison. " Vous, guéri par la foi au Christ, ne restez pas davantage au milieu de la perfidie des Juifs.

Il n'a pas besoin de cette barque, mais la barque a besoin de Jésus-Christ, car jamais, sans la direction qui vient du Ciel, le vaisseau de l'Église ne pourrait traverser la mer du monde et arriver au port de l'éternité.

Le Seigneur sur cette terre ne s'inquiète pas du désir des insensés, mais il a égard à la foi d'autrui ; c'est ainsi que le médecin ne s'arrête point à la volonté des malades, lorsqu'ils demandent des choses qui leur sont contraires.
Saint Augustin
 Il serait plus difficile de concilier saint Matthieu avec saint Marc, si saint Matthieu donnait le nom de Nazareth à la ville que saint Marc appelle Capharnaüm, et que saint Matthieu appelle simplement la cité du Seigneur. On conçoit très bien, au contraire, que de même que l'empire romain, composé de contrées si diverses est quelquefois désigné par le nom de cité romaine ; ainsi la Galilée a pu être appelée la cité du Christ, parce que Nazareth en faisait partie. Par la même raison, Notre-Seigneur Jésus-Christ étant venu dans la Galilée, l'Évangéliste a fort bien pu dire qu'il était venu dans sa ville, quelle que fût la cité de la Galilée où il se trouvât, d'autant plus que Capharnaüm était de beaucoup la ville la plus célèbre de cette région et en était considérée comme la métropole.

D'après cette explication, il faut admettre que saint Matthieu a omis tout ce que Jésus a fait lorsqu'il fut venu dans sa ville, jusqu'à son arrivée à Capharnaüm, et qu'il a placé ici la guérison du paralytique. C'est ce que font souvent les Évangélistes : ils omettent les faits intermédiaires et ils donnent comme faisant suite à ce qui précède le fait qu'ils racontent immédiatement, sans marquer la transition. C'est ainsi que l'Évangéliste nous dit ici : " Et on lui présentait un paralytique couché sur un lit. "
Saint Grégoire le Grand
Ou bien par le lit on peut entendre les voluptés sensuelles ; on ordonne à celui qui a recouvré la santé de porter ce lit où il était couché pendant sa maladie ; car tout homme qui trouve encore son plaisir dans le vice, est comme étendu sans force au milieu des voluptés de la chair. Mais lorsqu'il est guéri, il porte ce lit, parce qu'il supporte les assauts de cette même chair, au lieu de se reposer comme auparavant dans ses désirs coupables. 
Rabanus Maurus
Se lever, c'est arracher son âme aux désirs de la chair ; enlever son lit, c'est élever son corps des désirs de la terre jusqu'aux aspirations de l'esprit ; aller dans sa maison, c'est retourner au paradis, ou a la garde intérieure de soi-même, pour ne plus retomber dans le péché.
La Glose
Ces paroles : " Afin que vous sachiez " peuvent avoir été dites par Jésus-Christ, ou n'être qu'une réflexion de l'Évangéliste, comme s'il disait : " Ils doutaient qu'il pût remettre les péchés ; mais afin que vous sachiez bien que le Fils de l'homme a ce pouvoir, il dit au paralytique, " etc. Si au contraire on suppose ces paroles dans la bouche du Sauveur, voici le sens qu'on peut leur donner : " Vous doutez que je puisse remettre les péchés, mais afin que vous sachiez que le Fils de l'homme, " etc. La construction grammaticale de la phrase n'est point parfaite ; mais l'Évangéliste remplace ce qui devait suivre immédiatement et qu'il sous-entend par l'acte même que Jésus accomplit. Il dit au paralytique : " Levez-vous et emportez votre lit. "
Saint Thomas d'Aquin
1110. À CETTE VUE, LES FOULES, non les scribes, parce que ceux-ci méprisaient [Jésus], FURENT SAISIES DE CRAINTE, Ha 3, 2 : Seigneur, j’ai entendu ce qu’on disait de toi, et j’ai craint. Mais de quelle crainte ? ELLES GLORIFIAIENT DIEU, car elles rapportaient tout à Dieu, Ps 113[114], 1 : Non pas à nous, Seigneur, mais à ton nom donne gloire. QUI AVAIT DONNÉ UN TEL POUVOIR AUX HOMMES. Ainsi, ceux-ci ne sont pas méprisants comme les scribes. Mais parce qu’il est dit : AUX HOMMES, Hilaire donne cette interprétation : «Qui a donné aux hommes le pouvoir de devenir fils de Dieu», comme en Jn 1, 12 : Il leur a donné le pouvoir de devenir fils de Dieu.
Louis-Claude Fillion
Avant de passer à un autre prodige, l’évangéliste nous fait connaître en peu de mots l’impression produite sur la foule par cette guérison qui avait eu lieu parmi des circonstances exceptionnelles. Les dispositions du peuple contrastent heureusement avec celles qu’avaient manifestées les Scribes. - Furent remplies de crainte. Les témoins du miracle sont d’abord saisis d’un sentiment de respectueuse frayeur en face du surnaturel et du divin Cf. Luc. 5, 26 ; mais à la crainte s’associent bientôt la joie et la reconnaissance. - Glorifièrent Dieu. Leur action de grâces porte sur un point spécial que l’évangéliste n’a pas négligé : qui avait donné un tel pouvoir aux hommes. « Tel », le pouvoir de remettre les péchés et d’en prouver l’existence par de grands prodiges, ou bien, en général, une puissance aussi considérable. Il y a plusieurs manières d’expliquer le substantif « hommes ». Baumgarten-Crusius le regarde comme un « datif de don ». Le sens serait alors : au bénéfice de l’humanité, en faveur des hommes. Mais la plupart des interprètes préfèrent le traiter comme un datif ordinaire, et alors ils expliquent l’emploi du pluriel tantôt en admettant que l’humanité tout entière est réellement désignée dans ce passage, bien que ses principaux représentants, et Jésus à leur tête, aient seuls joui du pouvoir d’opérer des miracles, tantôt en recourant au pluriel de catégorie ou de majesté (Grotius, Kuinœl, etc. Cf. 2, 20). Dans ce cas « hommes » ne représenterait que Jésus. La foule en tenant ce langage, pensait assurément à Jésus-Christ d’une façon toute spéciale, mais elle le considérait comme étroitement lié avec le reste des hommes, de sorte que l’autorité dont il jouissait rejaillissait jusqu’à un certain point sur tous les humains. - La foule loue et admire : que font les Scribes ? Le silence gardé à leur sujet par l’évangéliste semble être de mauvaise augure. Couverts de confusion par le Sauveur, ils s’effacent de leur mieux ; toutefois « le coup reste profondément enfoui dans les esprits ». Le conflit est engagé, nous le verrons grandir chaque jour jusqu’à la mort de Notre-Seigneur Jésus-Christ.